Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/424

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tables séductions et à un plus pénétrant machiavélisme que ne l’était la marquise depuis une semaine.

— Mais moi ! moi, voir les infidélités de Conti, les dévorer…

— Et pourquoi ne le quittes-tu pas ? dit Camille en apercevant l’heure favorable où elle pouvait frapper un coup décisif.

— Le puis-je ?

— Oh ! pauvre enfant.

Toutes deux regardèrent un groupe d’arbres d’un air hébété.

— Je vais aller hâter le déjeuner, dit Camille, cette course m’a donné de l’appétit.

— Notre conversation m’a ôté le mien, dit Béatrix.

Béatrix, en toilette du matin, se dessinait comme une forme blanche sur les masses vertes du feuillage. Calyste, qui s’était coulé par le salon dans le jardin, prit une allée où il chemina lentement, pour y rencontrer la marquise comme par hasard ; et Béatrix ne put retenir un léger tressaillement en l’apercevant.

— En quoi, madame, vous ai-je déplu hier ? dit Calyste après quelques phrases banales échangées.

— Mais vous ne me plaisez ni ne me déplaisez, dit-elle d’un ton doux.

Le ton, l’air, la grâce admirable de la marquise encourageaient Calyste.

— Je vous suis indifférent, dit-il avec une voix troublée par les larmes qui lui vinrent aux yeux.

— Ne devons-nous pas être indifférents l’un à l’autre ? répondit la marquise. Nous avons l’un et l’autre un attachement vrai…

— Hé ! dit vivement Calyste, j’aimais Camille, mais je ne l’aime plus.

— Et que faites-vous donc tous les jours pendant toute la matinée ? dit-elle avec un sourire assez perfide. Je ne suppose pas que malgré sa passion pour le tabac, Camille vous préfère un cigare, et que, malgré votre admiration pour les femmes auteurs, vous passiez quatre heures à lire des romans femelles.

— Vous savez donc… dit ingénument le naïf Breton dont la figure était illuminée par le bonheur de voir son idole.

— Calyste ! cria violemment Camille en apparaissant, l’interrompant, le prenant par le bras et l’entraînant à quelques pas, Calyste, est-ce là ce que vous m’aviez promis ?