Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/407

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méprisable. Je ne veux pas être mieux traitée par lui à cause de ma faute. L’ange qui oserait avoir certaines brutalités qu’on se permet de part et d’autre quand on est mutuellement irréprochables, cet ange n’est pas sur la terre, il est au ciel ! Octave est plein de délicatesse, je le sais ; mais il n’y a pas dans cette âme (quelque grande qu’on la fasse, c’est une âme d’homme) de garanties pour la nouvelle existence que je mènerais chez lui. Venez donc me dire où je puis trouver cette solitude, cette paix, ce silence amis des malheurs irréparables et que vous m’avez promis. »

Après avoir pris de cette lettre la copie que voici pour garder ce monument en entier, j’allai rue Payenne. L’inquiétude avait vaincu l’opium. Octave se promenait comme un fou dans son jardin. — « Répondez à cela, lui dis-je en lui donnant la lettre de sa femme. Tâchez de rassurer la Pudeur instruite. C’est un peu plus difficile que de surprendre la Pudeur qui s’ignore et que la Curiosité vous livre. — Elle est à moi !… » s’écria le comte, dont la figure exprimait le bonheur à mesure qu’il avançait dans sa lecture. Il me fit signe de la main de le laisser seul, en se sentant observé dans sa joie. Je compris que l’excessive félicité comme l’excessive douleur obéissent aux mêmes lois ; j’allai recevoir madame de Courteville et Amélie, qui dînaient chez le comte ce jour-là. Quelque belle que fût mademoiselle de Courteville, je sentis, en la revoyant, que l’amour a trois faces, et que les femmes qui nous inspirent un amour complet sont bien rares. En comparant involontairement Amélie à Honorine, je trouvais plus de charme à la femme en faute qu’à la jeune fille pure. Pour Honorine, la fidélité n’était pas un devoir, mais la fatalité du cœur ; tandis qu’Amélie allait prononcer d’un air serein des promesses solennelles, sans en connaître la portée ni les obligations. La femme épuisée, quasi morte, la pécheresse à relever me semblait sublime, elle irritait les générosités naturelles à l’homme, elle demandait au cœur tous ses trésors, à la puissance toutes ses ressources ; elle emplissait la vie, elle y mettait une lutte dans le bonheur ; tandis qu’Amélie, chaste et confiante, allait s’enfermer dans la sphère d’une maternité paisible, où le terre-à-terre devait être la poésie, où mon esprit ne devait trouver ni combat, ni victoire. Entre les plaines de la Champagne et les Alpes neigeuses, orageuses, mais sublimes, quel est le jeune homme qui peut choisir la crayeuse et paisible étendue ? Non, de telles comparaisons sont fatales et mauvaises sur le seuil de la Mairie. Hélas ! il