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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/433

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— C’est vrai, dit le valet en hochant la tête. Après ça, les maîtres sont bien ridicules, et j’espère pour Moreau qu’il a fait son beurre.

— Je suis souvent allé vous porter des bourriches, dit Pierrotin, à votre hôtel, rue de la Chaussée-d’Antin, et je n’ai jamais évu la valiscence de voir ni monsieur ni madame.

— Monsieur le comte est un bon homme, dit confidentiellement le valet ; mais s’il réclame votre discrétion pour assurer son cognito, il doit y avoir du grabuge : du moins, voilà ce que nous pensons à l’hôtel ; car, pourquoi décommander la Daumont ? pourquoi voyager par un coucou ? Un pair de France n’a-t-il pas le moyen de prendre un cabriolet de remise ?

— Un cabriolet est capable de lui demander quarante francs pour aller et venir ; car apprenez que cette route-là, si vous ne la connaissez pas, est faite pour les écureuils. Oh ! toujours monter et descendre, dit Pierrotin. Pair de France ou bourgeois, tout le monde est bien regardant à ses pièces ! Si ce voyage concernait monsieur Moreau… mon Dieu, cela me vexerait-il, s’il lui arrivait malheur ! Vingt-bon-Dieu ! ne pourrait-on pas trouver un moyen de le prévenir ? car c’est un vrai brave homme, un brave homme fini, le roi des hommes, quoi !…

— Bah ! monsieur le comte l’aime beaucoup, monsieur Moreau ! dit le valet. Mais, tenez, si vous voulez que je vous donne un bon conseil : chacun pour soi. Nous avons bien assez à faire de nous occuper de nous-mêmes. Faites ce qu’on vous demande, et d’autant plus qu’il ne faut pas se jouer à Sa Seigneurie. Puis, pour tout dire, le comte est généreux. Si vous l’obligez de ça, dit le valet en montrant l’ongle d’un de ses doigts, il vous le rend grand comme ça, reprit-il en allongeant le bras.

Cette judicieuse réflexion et surtout l’image eurent pour effet, venant d’un homme aussi haut placé que le second valet de chambre du comte de Sérisy, de refroidir le zèle de Pierrotin pour le régisseur de la terre de Presles.

— Allons, adieu, monsieur Pierrotin, dit le valet.

Un coup d’œil rapidement jeté sur la vie du comte de Sérisy et sur celle de son régisseur est ici nécessaire pour bien comprendre le petit drame qui devait se passer dans la voiture à Pierrotin.

Monsieur Hugret de Sérisy descend en ligne directe du fameux président Hugret, anobli sous François 1er. Cette famille porte