Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/519

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livres de rentes viagères. Camusot approuvait fort la philosophie du bonhomme, qui, selon lui, après avoir fait le bonheur de ses enfants et si noblement rempli ses devoirs, pouvait bien finir joyeusement la vie. ─ « Vois-tu, mon ami, lui disait l’ancien chef du Cocon-d’Or, je pouvais me remarier, n’est-ce pas ? Une jeune femme m’aurait donné des enfants… Oui, j’en aurais eu, j’étais dans l’âge où l’on en a toujours… Eh bien ! Florentine ne me coûte pas si cher qu’une femme, elle ne m’ennuie pas, elle ne me donnera point d’enfants, et ne mangera jamais votre fortune. »

Camusot proclamait, dans le père Cardot, le sens le plus exquis de la famille ; il le regardait comme un beau-père accompli. ─ « Il sait, disait-il, concilier l’intérêt de ses enfants avec les plaisirs qu’il est bien naturel de goûter dans la vieillesse, après avoir subi tous les tracas du commerce. »

Ni les Cardot, ni les Camusot, ni les Protez ne soupçonnaient l’existence de leur ancienne tante madame Clapart. Les relations de famille étaient restreintes à l’envoi des billets de faire part en cas de mort ou de mariage, et des cartes au jour de l’an. La fière madame Clapart ne faisait céder ses sentiments qu’à l’intérêt de son Oscar, et devant son amitié pour Moreau, la seule personne qui lui fût demeurée fidèle dans le malheur. Elle n’avait pas fatigué le vieux Cardot de sa présence ni de ses importunités ; mais elle s’était attachée à lui comme à une espérance, elle allait le voir une fois tous les trimestres, elle lui parlait d’Oscar Husson, le neveu de feu la respectable madame Cardot, et le lui amenait trois fois pendant les vacances. À chaque visite, le bonhomme avait fait dîner Oscar au Cadran-Bleu, l’avait mené le soir à la Gaîté, et l’avait ramené rue de la Cerisaie. Une fois, après l’avoir habillé tout à neuf, il lui avait donné la timbale et le couvert d’argent exigés dans le trousseau du collége. La mère d’Oscar tâchait de prouver au bonhomme qu’il était chéri de son neveu, elle lui parlait toujours de cette timbale, de ce couvert, et de ce charmant habillement dont il ne restait plus que le gilet. Mais ces petites finesses nuisaient plus à Oscar qu’elles ne le servaient auprès d’un vieux renard aussi madré que l’oncle Cardot. Le père Cardot n’avait jamais aimé beaucoup sa défunte, grande femme, sèche et rousse ; il connaissait d’ailleurs les circonstances du mariage de feu Husson avec la mère d’Oscar ; et, sans la mésestimer le moins du monde, il n’ignorait pas que le jeune Oscar était posthume : ainsi, son pauvre neveu lui