Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/81

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phiquement Aurélie. J’ai tant entendu parler de cette province-là par d’Esgrignon et par la Val-Noble, que c’est comme si j’y avais déjà vécu.

— Et si je t’assurais l’appui de la noblesse ?…

— Ah ! Maxime, tu m’en diras tant !… Oui, mais le pigeon refuse l’aile…

— Et il est bien laid avec sa peau de prune, il a des soies au lieu de favoris, il a l’air d’un marcassin, quoiqu’il ait des yeux d’oiseau de proie. Ça fera le plus beau président du monde. Sois tranquille, dans dix minutes il te chantera l’air d’Isabelle au quatrième acte de Robert le Diable : « Je suis à tes genoux !… » mais tu te charges de renvoyer Arthur à ceux de Béatrix…

— C’est difficile, mais à plusieurs on y parviendra…

Vers dix heures et demie, les convives rentrèrent au salon pour prendre le café. Dans les circonstances où se trouvaient madame Schontz, Couture et du Ronceret, il est facile d’imaginer quel effet dut alors produire sur l’ambitieux Normand la conversation suivante que Maxime eut avec Couture dans un coin et à mi-voix pour n’être entendu de personne, mais que Fabien écouta.

— Mon cher, si vous voulez être sage, vous accepterez dans un département éloigné la Recette-générale que madame de Rochefide vous fera donner ; le million d’Aurélie vous permettra de déposer votre cautionnement, et vous vous séparerez de biens en l’épousant. Vous deviendrez député si vous savez bien mener votre barque, et la prime que je veux pour vous avoir sauvé, ce sera votre vote à la chambre.

— Je serai toujours fier d’être un de vos soldats.

— Ah ! mon cher, vous l’avez échappé belle ! Figurez-vous qu’Aurélie s’était amourachée de ce Normand d’Alençon, elle demandait qu’on le fît baron, président du tribunal de sa ville et officier de la Légion-d’Honneur. Mon imbécile n’a pas su deviner la valeur de madame Schontz, et vous devez votre fortune à un dépit ; aussi ne lui donnez pas le temps de réfléchir. Quant à moi, je vais mettre les fers au feu.

Et Maxime quitta Couture au comble du bonheur, en disant à La Palférine : — Veux-tu que je t’emmène, mon fils ?…

À onze heures Aurélie se trouvait entre Couture, Fabien et Rochefide. Arthur dormait dans une bergère, Couture et Fabien essayaient de se renvoyer sans y parvenir. Madame Schontz termina