Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/97

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situation de la marquise était sans dignité. Vous ne trouverez plus madame de Rochefide rue de Chartres, mais bien à l’hôtel de Rochefide, dans six mois, l’hiver prochain. Vous vous êtes jeté fort étourdiment au milieu d’un raccommodement entre époux que vous avez provoqué vous-même en ne sauvant pas à madame de Rochefide l’humiliation qu’elle a subie aux Italiens. En sortant de là, Béatrix, à qui j’avais porté déjà quelques propositions amicales de la part de son mari, me prit dans sa voiture et son premier mot fut alors : — Allez chercher Arthur !…

— Oh ! mon Dieu !… s’écria Calyste, elle avait raison, j’avais manqué de dévouement.

— Malheureusement, monsieur, ce pauvre Arthur vivait avec une de ces femmes atroces, la Schontz, qui, depuis longtemps, se voyait d’heure en heure sur le point d’être quittée. Madame Schontz, qui, sur la foi du teint de Béatrix, nourrissait le désir de se voir un jour marquise de Rochefide, est devenue enragée en trouvant ses châteaux en Espagne à terre, elle a voulu se venger d’un seul coup de la femme et du mari ! Ces femmes-là, monsieur, se crèvent un œil pour en crever deux à leur ennemi ; la Schontz, qui vient de quitter Paris, en a crevé six !… Et si j’avais eu l’imprudence d’aimer Béatrix, cette Schontz en aurait crevé huit. Vous devez vous être aperçu que vous avez besoin d’un oculiste…

Maxime ne put s’empêcher de sourire au changement de figure de Calyste qui devint pâle en ouvrant alors les yeux sur sa situation.

— Croiriez-vous, monsieur le baron, que cette ignoble femme a donné sa main à l’homme qui lui a fourni les moyens de se venger ?… Oh ! les femmes !… Vous comprenez maintenant pourquoi Béatrix s’est renfermée avec Arthur pour quelques mois à Nogent-sur-Marne où ils ont une délicieuse petite maison, ils y recouvreront la vue. Pendant ce séjour, on va remettre à neuf leur hôtel où la marquise veut déployer une splendeur princière. Quand on aime sincèrement une femme si noble, si grande, si gracieuse, victime de l’amour conjugal au moment où elle a le courage de revenir à ses devoirs, le rôle de ceux qui l’adorent comme vous l’adorez, qui l’admirent comme je l’admire, est de rester ses amis quand on ne peut plus être que cela… Vous voudrez bien m’excuser si j’ai cru devoir prendre monsieur le comte de Trailles pour témoin de cette explication ; mais je tenais beaucoup à être net en tout ceci. Quant à moi, je veux surtout vous dire que si j’admire madame