Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/140

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ment conduire et amuser une classe moyenne, ivre de distinctions, amoureuse d’art et de science. Mais les mesquins meneurs de cette grande époque intelligentielle haïssaient tous l’art et la science. Ils ne surent même pas présenter la religion, dont ils avaient besoin, sous les poétiques couleurs qui l’eussent fait aimer. Quand Lamartine, La Mennais, Montalembert et quelques autres écrivains de talent doraient de poésie, rénovaient ou agrandissaient les idées religieuses, tous ceux qui gâchaient le gouvernement faisaient sentir l’amertume de la religion. Jamais nation ne fut plus complaisante, elle était alors comme une femme fatiguée qui devient facile ; jamais pouvoir ne fit alors plus de maladresses : la France et la femme aiment mieux les fautes. Pour se réintégrer, pour fonder un grand gouvernement oligarchique, la noblesse du faubourg devait se fouiller avec bonne foi afin de trouver en elle-même la monnaie de Napoléon, s’éventrer pour demander aux creux de ses entrailles un Richelieu constitutionnel ; si ce génie n’était pas en elle, aller le chercher jusque dans le froid grenier où il pouvait être en train de mourir, et se l’assimiler, comme la chambre des lords anglais s’assimile constamment les aristocrates de hasard. Puis, ordonner à cet homme d’être implacable, de retrancher les branches pourries, de recéper l’arbre aristocratique. Mais d’abord, le grand système du torysme anglais était trop immense pour de petites têtes ; et son importation demandait trop de temps aux Français, pour lesquels une réussite lente vaut un fiasco. D’ailleurs, loin d’avoir cette politique rédemptrice qui va chercher la force là où Dieu l’a mise, ces grandes petites gens haïssaient toute force qui ne venait pas d’eux ; enfin, loin de se rajeunir, le faubourg Saint-Germain s’est avieilli. L’étiquette, institution de seconde nécessité, pouvait être maintenue si elle n’eût paru que dans les grandes occasions ; mais l’étiquette devint une lutte quotidienne, et au lieu d’être une question d’art ou de magnificence, elle devint une question de pouvoir. S’il manqua d’abord au trône un de ces conseillers aussi grands que les circonstances étaient grandes, l’aristocratie manqua surtout de la connaissance de ses intérêts généraux, qui aurait pu suppléer à tout. Elle s’arrêta devant le mariage de monsieur de Talleyrand, le seul homme qui eût une de ces têtes métalliques où se forgent à neuf les systèmes politiques par lesquels revivent glorieusement les nations. Le faubourg se moqua des ministres qui n’étaient pas gentilshommes, et