Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/448

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— Ça va, dit Gondureau, mais à condition que l’affaire sera faite demain.

— Pas encore, mon cher monsieur, j’ai besoin de consulter mon confesseur.

— Finaude ! dit l’agent en se levant. À demain alors. Et si vous étiez pressée de me parler, venez petite rue Sainte-Anne, au bout de la cour de la Sainte-Chapelle. Il n’y a qu’une porte sous la voûte. Demandez monsieur Gondureau.

Bianchon, qui revenait du cours de Cuvier, eut l’oreille frappée du mot assez original de Trompe-la-Mort, et entendit le ça va du célèbre chef de la police de sûreté.

— Pourquoi n’en finissez-vous pas, ce serait trois cents francs de rente viagère, dit Poiret à mademoiselle Michonneau.

— Pourquoi ? dit-elle. Mais il faut réfléchir. Si monsieur Vautrin était ce Trompe-la-Mort, peut-être y aurait-il plus d’avantage à s’arranger avec lui. Cependant lui demander de l’argent, ce serait le prévenir, et il serait homme à décamper gratis. Ce serait un puff abominable.

— Quand il serait prévenu, reprit Poiret, ce monsieur ne nous a-t-il pas dit qu’il était surveillé ? Mais vous, vous perdriez tout.

— D’ailleurs, pensa mademoiselle Michonneau, je ne l’aime point, cet homme ! Il ne sait me dire que des choses désagréables.

— Mais, reprit Poiret, vous feriez mieux. Ainsi que l’a dit ce monsieur, qui me paraît fort bien, outre qu’il est très-proprement couvert, c’est un acte d’obéissance aux lois que de débarrasser la société d’un criminel, quelque vertueux qu’il puisse être. Qui a bu boira. S’il lui prenait fantaisie de nous assassiner tous ? Mais, que diable ! nous serions coupables de ces assassinats, sans compter que nous en serions les premières victimes.

La préoccupation de mademoiselle Michonneau ne lui permettait pas d’écouter les phrases tombant une à une de la bouche de Poiret, comme les gouttes d’eau qui suintent à travers le robinet d’une fontaine mal fermée. Quand une fois ce vieillard avait commencé la série de ses phrases, et que mademoiselle Michonneau ne l’arrêtait pas, il parlait toujours, à l’instar d’une mécanique montée. Après avoir entamé un premier sujet, il était conduit par ses parenthèses à en traiter de tout opposés, sans avoir rien conclu. En arrivant à la maison Vauquer, il s’était faufilé dans une suite de passages et de citations transitoires qui l’avaient amené à raconter