Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/66

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sans venir me prendre un homme d’âge, qui fait mon bonheur. Quien, je n’ai pas une belle hôtel, moi, j’ai mon amour ! Je haïs les bel hommes et l’argent, je suis tout cœur, et…

Madame Jules se tourna vers son mari : — Vous me permettrez, monsieur, de ne pas en entendre davantage, dit-elle en rentrant dans sa chambre.

— Si cette dame est avec vous, j’ai fait des brioches, à ce que je vois ; mais tant pire, reprit Ida. Pourquoi vient-elle voir monsieur Ferragus tous les jours ?

— Vous vous trompez, mademoiselle, dit Jules stupéfait. Ma femme est incapable…

— Ah ! vous êtes donc mariés vous deusse ! dit la grisette en manifestant quelque surprise. C’est alors bien plus mal, monsieur, pas vrai, à une femme qui a le bonheur d’être mariée en légitime mariage, d’avoir des rapports avec un homme comme Henri…

— Mais quoi, Henri, dit monsieur Jules en prenant Ida et l’entraînant dans une pièce voisine pour que sa femme n’entendît plus rien.

— Eh ! bien, monsieur Ferragus…

— Mais il est mort, dit Jules.

— C’te farce ! Je suis allée a Franconi avec lui hier au soir, et il m’a ramenée, comme cela se doit. D’ailleurs votre dame peut vous en donner des nouvelles. N’est-elle pas allée le voir à trois heures ? Je le sais bien : je l’ai attendue dans la rue, rapport à ce qu’un aimable homme, monsieur Justin, que vous connaissez peut-être, un petit vieux qui a des breloques, et qui porte un corset, m’avait prévenue que j’avais une madame Jules pour rivale. Ce nom-là, monsieur, est bien connu parmi les noms de guerre. Excusez, puisque c’est le vôtre, mais quand madame Jules serait une duchesse de la cour, Henri est si riche qu’il peut satisfaire toutes ses fantaisies. Mon affaire est de défendre mon bien, et j’en ai le droit ; car, moi, je l’aime, Henri ! C’est ma promière inclination, et il y va de mon amour et de mon sort à venir. Je ne crains rien, monsieur ; je suis honnête, et je n’ai jamais menti, ni volé le bien de qui que ce soit. Ce serait une impératrice qui serait ma rivale, que j’irais à elle tout droit ; et si elle m’enlevait mon mari futur, je me sens capable de la tuer, tout impératrice qu’elle serait, parce que toutes les belles femmes sont égales, monsieur…

— Assez ! assez ! dit Jules. Où demeurez-vous ?