Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/139

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ment le neveu de madame Hochon. Pour être agréable à son oncle, Finot lui avait donné Philippe pour remplaçant, en diminuant toutefois de moitié les appointements. Puis, tous les jours à cinq heures, Giroudeau vérifiait la caisse et emportait l’argent de la recette journalière. Coloquinte, l’invalide qui servait de garçon de bureau et qui faisait les courses, surveillait un peu le capitaine Philippe. Philippe se comportait bien d’ailleurs. Six cents francs d’appointements et cinq cents francs de sa croix le faisaient d’autant mieux vivre, que, chauffé pendant la journée et passant ses soirées aux théâtres où il allait gratis, il n’avait qu’à penser à sa nourriture et à son logement. Coloquinte partait avec du papier timbré sur la tête, et Philippe brossait ses fausses manches en toile verte quand Joseph entra.

— Tiens, voilà le moutard, dit Philippe. Eh ! bien, nous allons dîner ensemble, tu viendras à l’Opéra, Florine et Florentine ont une loge. J’y vais avec Giroudeau, tu en seras, et tu feras connaissance avec Nathan !

Il prit sa canne plombée et mouilla son cigare.

— Je ne puis pas profiter de ton invitation, j’ai notre mère à conduire ; nous dînons à table d’hôte.

— Eh ! bien, comment va-t-elle, cette pauvre bonne femme ?

— Mais elle ne va pas mal, répondit le peintre. J’ai refait le portrait de notre père et celui de notre tante Descoings. J’ai fini le mien, et je voudrais donner à notre mère le tien, en uniforme des Dragons de la Garde Impériale.

— Bien !

— Mais il faut venir poser…

— Je sais tenu d’être, tous les jours, dans cette cage à poulet depuis neuf heures jusqu’à cinq heures…

— Deux dimanches suffiront.

— Convenu, petit, reprit l’ancien officier d’ordonnance de Napoléon en allumant son cigare à la lampe du portier.

Quand Joseph expliqua la position de Philippe à sa mère en allant dîner rue de Beaune, il lui sentit trembler le bras sur le sien, la joie illumina ce visage passé ; la pauvre femme respira comme une personne débarrassée d’un poids énorme. Le lendemain elle eut pour Joseph des attentions que son bonheur et la reconnaissance lui inspirèrent, elle lui garnit son atelier de fleurs et lui acheta deux jardinières. Le premier dimanche pendant lequel Phi-