Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

étonné d’apprendre qu’une veuve obligée, pour vivre, d’accepter un modique emploi dans un bureau de loterie, soit venue chercher des consolations et des secours auprès de ceux qui l’ont vue naître. L’état embrassé par celui de mes fils qui m’accompagne est un de ceux qui veulent le plus de talent, le plus de sacrifices, le plus d’études avant d’offrir des résultats. La gloire y précède la fortune. N’est-ce pas vous dire que quand Joseph illustrera notre famille, il sera pauvre encore. Votre sœur, mon cher Jean-Jacques, aurait supporté silencieusement les effets de l’injustice paternelle ; mais pardonnez à la mère de vous rappeler que vous avez deux neveux, l’un qui portait les ordres de l’Empereur à la bataille de Montereau, qui servait dans la Garde impériale à Waterloo, et qui maintenant est en prison ; l’autre qui, depuis l’âge de treize ans, est entraîné par la vocation dans une carrière difficile, mais glorieuse Aussi vous remercié-je de votre lettre, mon frère, avec une vive effusion de cœur, et pour mon compte, et pour celui de Joseph, qui se rendra certainement à votre invitation. La maladie excuse tout, mon cher Jean-Jacques, j’irai donc vous voir chez vous. Une sœur est toujours bien chez son frère, quelle que soit la vie qu’il ait adoptée. Je vous embrasse avec tendresse.

Agathe Rouget. »

— Voilà l’affaire engagée. Quand vous irez, dit monsieur Hochon à la Parisienne, vous pourrez lui parler nettement de ses neveux…

La lettre fut portée par Gritte qui revint dix minutes après, rendre compte à ses maîtres de tout ce qu’elle avait appris ou pu voir, selon l’usage de la province.

— Madame, dit-elle, on a, depuis hier au soir, approprié toute la maison que madame laissait…

— Qui, madame ? demanda le vieil Hochon.

— Mais on appelle ainsi dans la maison la Rabouilleuse, répondit Gritte. Elle laissait la salle et tout ce qui regardait monsieur Rouget dans un état à faire pitié ; mais, depuis hier, la maison est redevenue ce qu’elle était avant l’arrivée de monsieur Maxence. On s’y mirerait. La Védie m’a raconté que Kouski est monté à cheval ce matin à cinq heures ; il est revenu sur les neuf heures, apportant des provisions. Enfin, il y aura le meilleur dîner, un dîner comme pour