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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/252

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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

mois de soins, ce sera fini. Je l’ai laissé écrivant à monsieur Mouilleron pour demander la mise en liberté de votre fils, madame, dit-il à sa malade. Oh ! Max est un brave garçon. Je lui ai dit dans quel état vous étiez, il s’est alors rappelé une circonstance du vêtement de son assassin qui lui a prouvé que ce ne pouvait pas être votre fils : le meurtrier portait des chaussons de lisière, et il est bien certain que monsieur votre fils est sorti en botte…

— Ah ! que Dieu lui pardonne le mal qu’il m’a fait…

À la nuit, un homme avait apporté pour Gilet une lettre écrite en caractères moulés et ainsi conçue :

« Le capitaine Gilet ne devrait pas laisser un innocent entre les mains de la justice. Celui qui a fait le coup promet de ne plus recommencer, si monsieur Gilet délivre monsieur Joseph Bridau sans désigner le coupable. »

Après avoir lu cette lettre et l’avoir brûlée, Max écrivit à monsieur Mouilleron une lettre qui contenait l’observation rapportée par monsieur Goddet, en le priant de mettre Joseph en liberté, et de venir le voir afin qu’il lui expliquât l’affaire. Au moment où cette lettre parvint à monsieur Mouilleron, Lousteau-Prangin avait déjà pu reconnaître, par les dépositions du sonneur, d’une vendeuse de légumes, des blanchisseuses, des garçons meuniers du moulin de Landrôle et du jardinier de Frapesle, la véracité des explications données par Joseph. La lettre de Max achevait de prouver l’innocence de l’inculpé que monsieur Mouilleron reconduisit alors lui-même chez monsieur Hochon. Joseph fut accueilli par sa mère avec une effusion de si vive tendresse, que ce pauvre enfant méconnu rendit grâce au hasard, comme le mari de la fable de La Fontaine au voleur, d’une contrariété qui lui valait ces preuves d’affection.

— Oh ! dit monsieur Mouilleron d’un air capable, j’ai bien vu tout de suite à la manière dont vous regardiez la populace irritée, que vous étiez innocent ; mais malgré ma persuasion, voyez-vous, quand on connaît Issoudun, le meilleur moyen de vous protéger était de vous emmener comme nous l’avons fait. Ah ! vous aviez une fière contenance.

— Je pensais à autre chose, répondit simplement l’artiste. Je connais un officier qui m’a raconté qu’en Dalmatie, il fut arrêté dans des circonstances presque semblables, en arrivant de la promenade un matin, par une populace en émoi… Ce rapprochement m’occupait, et je regardais toutes ces têtes avec l’idée de peindre une