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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

a déjà tué, en 1806, une pauvre jeune créature ? Je ne veux pas avoir des assassins ou des voleurs dans ma famille, vous ferez vos paquets, et vous irez vous faire pendre ailleurs !

Les deux jeunes gens devinrent blancs et immobiles comme des statues de plâtre.

— Allez, monsieur Héron, dit l’avare au notaire.

Le vieillard lut un compte de tutelle d’où il résultait que la fortune claire et liquide des deux enfants Borniche était de soixante dix mille francs, somme qui représentait la dot de leur mère ; mais monsieur Hochon avait fait prêter à sa fille des sommes assez fortes, et se trouvait, sous le nom des prêteurs, maître d’une portion de la fortune de ses petits-enfants Borniche. La moitié revenant à Baruch se soldait par vingt mille francs.

— Te voilà riche, dit le vieillard, prends ta fortune et marche tout seul ! Moi, je reste maître de donner mon bien et celui de madame Hochon, qui partage en ce moment toutes mes idées, à qui je veux, à notre chère Adolphine : oui, nous lui ferons épouser le fils d’un pair de France, si nous le voulons, car elle aura tous nos capitaux !…

— Une très belle fortune ! dit monsieur Héron.

— Monsieur Maxence Gilet vous indemnisera, dit madame Hochon.

— Amassez donc des pièces de vingt sous pour de pareils garnements ?… s’écria monsieur Hochon.

— Pardon ! dit Baruch en balbutiant.

Pardon, et ferai plus, répéta railleusement le vieillard en imitant la voix des enfants. Si je vous pardonne, vous irez prévenir monsieur Maxence de ce qui vous arrive, pour qu’il se tienne sur ses gardes… Non, non, mes petits messieurs. J’ai les moyens de savoir comment vous vous conduirez. Comme vous ferez, je ferai. Ce ne sera point par une bonne conduite d’un jour ni celle d’un mois que je vous jugerai, mais par celle de plusieurs années !… J’ai bon pied, bon œil, bonne santé. J’espère vivre encore assez pour savoir dans quel chemin vous mettrez les pieds. Et d’abord, vous irez, vous, monsieur le capitaliste, à Paris étudier la banque chez monsieur Mongenod. Malheur à vous, si vous n’allez pas droit : on y aura l’œil sur vous. Vos fonds sont chez messieurs Mongenod et fils ; voici sur eux un bon de pareille somme. Ainsi, libérez-moi, en signant votre compte de tutelle qui se termine par une