Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/355

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paraison de celle de solidifier les espérances ! solidifier les espérances, coaguler, financièrement parlant, les désirs de fortune de chacun, lui en assurer la réalisation ! Il a fallu notre époque, monsieur, époque de transition, de transition et de progrès tout à la fois !

— Oui, de progrès, dit le fou. J’aime le progrès, surtout celui que fait faire à la vigne un bon temps…

— Le temps, reprit Gaudissart sans entendre la phrase de Margaritis, le Temps, monsieur, mauvais journal. Si vous le lisez, je vous plains…

— Le journal ! dit Margaritis, je crois bien, je suis passionné pour les journaux. — Ma femme ! ma femme ! où est le journal ? cria-t-il en se tournant vers la chambre.

— Hé ! bien, monsieur, si vous vous intéressez aux journaux, nous sommes faits pour nous entendre.

— Oui ; mais avant d’entendre le journal, avouez-moi que vous trouvez ce vin…

— Délicieux, dit Gaudissart.

— Allons, achevons à nous deux la bouteille. Le fou se versa deux doigts de vin dans son verre et remplit celui de Gaudissart. — Hé ! bien, monsieur, j’ai deux pièces de ce vin-là. Si vous le trouvez bon et que vous vouliez vous en arranger…

— Précisément, dit Gaudissart, les Pères de la Foi Saint-Simonienne m’ont prié de leur expédier les denrées que je… Mais parlons de leur grand et beau journal ? Vous qui comprenez bien l’affaire des capitaux, et qui me donnerez votre aide pour la faire réussir dans ce canton…

— Volontiers, dit Margaritis, si…

— J’entends, si je prends votre vin. Mais il est très-bon, votre vin, monsieur, il est incisif.

— On en fait du vin de Champagne, il y a un monsieur, un Parisien qui vient en faire ici, à Tours.

— Je le crois, monsieur. Le Globe dont vous avez entendu parler…

— Je l’ai souvent parcouru, dit Margaritis.

— J’en étais sûr, dit Gaudissart. Monsieur, vous avez une tête puissante, une caboche que ces messieurs nomment la tête chevaline : il y a du cheval dans la tête de tous les grands hommes. Or, on peut être un beau génie et vivre ignoré. C’est une farce qui ar-