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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

Duret, monsieur de Clagny seul eut connaissance, lorsque Dinah, par désœuvrement, par vanité peut être, lui livra le secret de sa gloire anonyme.

Quoique l’alliance des vers et de la prose soit vraiment monstrueuse dans la littérature française, il est néanmoins des exceptions à cette règle. Cette histoire offrira donc une des deux violations qui, dans ces Études, seront commises envers la charte du Conte ; car, pour faire entrevoir les luttes intimes qui peuvent excuser Dinah sans l’absoudre, il est nécessaire d’analyser un poème, le fruit de son profond désespoir.

Mise à bout de sa patience et de sa résignation par le départ du vicomte de Chargebœuf, Dinah suivit le conseil du bon abbé Duret qui lui dit de convertir ses mauvaises pensées en poésie ; ce qui peut-être explique certains poètes.

— Il vous arrivera comme à ceux qui riment des épitaphes ou des élégies sur les êtres qu’ils ont perdus : la douleur se calme au cœur à mesure que les alexandrins bouillonnent dans la tête.

Ce poème étrange mit en révolution les départements de l’Allier, de la Nièvre et du Cher, heureux de posséder un poète capable de lutter avec les illustrations parisiennes. Paquita la Sévillane par Jan Diaz fut publié dans l’Écho du Morvan, espèce de Revue qui lutta pendant dix-huit mois contre l’indifférence provinciale. Quelques gens d’esprits prétendirent à Nevers que Jan Diaz avait voulu se moquer de la jeune école qui produisait alors ces poésies excentriques, pleines de verve et d’images, où l’on obtint de grands effets en violant la muse sous prétexte de fantaisies allemandes, anglaises et romanes.

Le poème commençait par ce chant.

Si vous connaissiez l’Espagne,
Son odorante campagne,
Ses jours chauds aux soirs si frais ;
D’amour, de ciel, de patrie,
Tristes filles de Neustrie,
Vous ne parleriez jamais.

C’est que là sont d’autres hommes
Qu’au froid pays où nous sommes !
Ah ! là, du soir au matin,
On entend sur la pelouse
Danser la vive Andalouse
En pantoufles de satin.