Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/151

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sont peu fréquentes : cependant leur autorité se trouve être si grande, que chaque fois qu’ils ont besoin d’argent, fût-ce même pour satisfaire de simples fantaisies, cette dame ou son fils… »

— Hé ! hé ! raison que la morale et la loi réprouvent ! Que veut nous insinuer le clerc ou l’avoué ? dit Popinot.

Bianchon se mit à rire.

« … cette dame ou son fils obtiennent sans aucune discussion du marquis d’Espard ce qu’ils demandent, et, à défaut d’argent comptant, monsieur d’Espard signe des lettres de change négociées par le sieur Mongenod, lequel a fait offre à l’exposante d’en témoigner ;

» Que d’ailleurs, à l’appui de ces faits, il est arrivé récemment, lors du renouvellement des baux de la terre d’Espard, que les fermiers ayant donné une somme assez importante pour la continuation de leurs contrats, le sieur Jeanrenaud s’en est fait faire immédiatement la délivrance ;

» Que la volonté du marquis d’Espard a si peu de concours à l’abandon de ces sommes, que quand il lui en été parlé il n’a point paru s’en souvenir ; que, toutes les fois que des personnes graves l’ont questionné sur son dévouement à ces deux individus, ses réponses ont indiqué une si entière abnégation de ses idées, de ses intérêts, qu’il existe nécessairement en cette affaire une cause occulte sur laquelle l’exposante appelle l’œil de la justice, attendu qu’il est impossible que cette cause ne soit pas criminelle, abusive et tortionnaire, ou d’une nature appréciable par la médecine légale, si toutefois cette obsession n’est pas de celles qui rentrent dans l’abus des forces morales, et qu’on ne peut qualifier qu’en se servant du terme extraordinaire de possession… »

— Diable ! reprit Popinot, que dis-tu de cela, toi, docteur ? Ces faits-là sont bien étranges.

— Ils pourraient être, répondit Bianchon, un effet du pouvoir magnétique.

— Tu crois donc aux bêtises de Mesmer, à son baquet, à la vue au travers des murailles ?

— Oui, mon oncle, dit gravement le docteur. En vous entendant lire cette requête, j’y pensais. Je vous déclare que j’ai vérifié, dans une autre sphère d’action, plusieurs faits analogues, relativement à l’empire sans bornes qu’un homme peut acquérir sur un autre. Je suis, contrairement à l’opinion de mes confrères, entièrement convaincu de la puissance de la volonté, considérée comme