Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/154

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— Mais il me semble, dit Popinot, que si quelqu’un de mes parents voulait s’emparer de l’administration de mes biens, et qu’au lieu d’être un simple juge, de qui les collègues peuvent examiner tous les jours l’état moral, je fusse duc et pair, un avoué quelque peu rusé, comme est Desroches, pourrait dresser une requête semblable contre moi.

« Que l’éducation de ses enfants a souffert de cette monomanie, et qu’il leur a fait apprendre, contrairement à tous les usages de l’enseignement, les faits de l’histoire chinoise qui contredisent les doctrines de la religion catholique, et leur a fait apprendre les dialectes chinois… »

— Ici Desroches me parait drôle, dit Bianchon.

— La requête a été dressée par quelque premier clerc qui n’était pas très-Chinois, dit le juge.

« Qu’il laisse souvent ses enfants dénués des choses les plus nécessaires ; que l’exposante, malgré ses instances, ne peut les voir ; que le sieur marquis d’Espard les lui amène une seule fois par an ; que, sachant les privations auxquelles ils sont soumis, elle a fait de vains efforts pour leur donner les choses les plus nécessaires à l’existence, et desquelles ils manquaient… »

— Oh ! madame la marquise, voici des farces. Qui prouve trop ne prouve rien. Mon cher enfant, dit le juge en laissant le dossier sur ses genoux, quelle est la mère qui jamais a manqué de cœur, d’esprit, d’entrailles, au point de rester au-dessous des inspirations suggérées par l’instinct animal ? Une mère est aussi rusée pour arriver à ses enfants qu’une jeune fille peut l’être pour conduire à bien une intrigue d’amour. Si ta marquise avait voulu nourrir ou vêtir ses enfants, le diable ne l’en aurait, certes, pas empêchée ! hein ? Elle est un peu trop longue, cette couleuvre, pour un vieux juge ! Continuons ?

« Que l’âge auquel arrivent lesdits enfants exige, dès à présent, qu’il soit pris des précautions pour les soustraire à la funeste influence de cette éducation, qu’il y soit pourvu selon leur rang, et qu’ils n’aient point sous les yeux l’exemple que leur donne la conduite de leur père ;

» Qu’à l’appui des faits présentement allégués, il existe des preuves dont le tribunal obtiendra facilement la répétition : maintes fois monsieur d’Espard a nommé le juge de paix du douzième arrondissement un mandarin de troisième classe ; il a souvent appelé