Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/294

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— Venez causer avec moi dix minutes, non pas dans votre chambre, on pourrait nous écouter, mais sur le quai de l’Horloge, à cette heure il n’y a personne, dit Popinot, il s’agit de quelque chose de plus important.

— Ça chauffe donc, marchons !

En dix minutes, Gaudissart, maître des secrets de Popinot, en avait reconnu l’importance.

Paraissez, parfumeurs, coiffeurs et débitants !


s’écria Gaudissart en singeant Lafon dans le rôle du Cid. Je vais empaumer tous les boutiquiers de France et de Navarre. Oh ! une idée ! J’allais partir, je reste, et vais prendre les commissions de la parfumerie parisienne.

— Et pourquoi ?

— Pour étrangler vos rivaux, innocent ! En ayant leurs commissions, je puis faire boire de l’huile à leurs perfides cosmétiques, en ne parlant et ne m’occupant que de la vôtre. Un fameux tour de voyageur ! Ah ! ah ! nous sommes les diplomates du commerce. Fameux ! Quant à votre prospectus, je m’en charge. J’ai pour ami d’enfance Andoche Finot, le fils du chapelier de la rue du Coq, le vieux qui m’a lancé dans le voyage pour la Chapellerie. Andoche, qui a beaucoup d’esprit, il a pris celui de toutes les têtes que coiffait son père, il est dans la littérature, il fait les petits théâtres au Courrier des Spectacles. Son père, vieux chien plein de raisons pour ne pas aimer l’esprit, ne croit pas à l’esprit : impossible de lui prouver que l’esprit se vend, qu’on fait fortune dans l’esprit. En fait d’esprit, il ne connaît que le trois-six. Le vieux Finot prend le petit Finot par famine. Andoche, homme capable, mon ami d’ailleurs, et je ne fraye avec les sots que commercialement, Finot fait des devises pour le Fidèle Berger qui paie, tandis que les journaux où il se donne un mal de galérien le nourrissent de couleuvres. Sont-ils jaloux dans cette partie-là ! C’est comme dans l’article Paris. Finot avait une superbe comédie en un acte pour mademoiselle Mars, la plus fameuse des fameuses, ah ! en voilà une que j’aime ! Eh ! bien, pour se voir jouer, il a été forcé de la porter à la Gaité. Andoche connaît le Prospectus, il entre dans les idées du marchand, il n’est pas fier, il limousinera notre prospectus gratis. Mon Dieu, avec un bol de punch et des gâteaux on les régalera, car, Popinot, pas de farces : je voyagerai sans commission