Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rienne ! les Césars avaient le monde, ils devaient avoir de fameux cheveux.

— César était chauve, dit Popinot.

— Parce qu’il ne s’est pas servi de notre huile, on le dira ! À trois francs l’huile Césarienne, l’huile de Macassar coûte le double. Gaudissart est là, nous aurons cent mille francs dans l’année, car nous imposons toutes les têtes qui se respectent de douze flacons par an, dix-huit francs ! Soit dix-huit mille têtes ? cent quatre-vingt mille francs. Nous sommes millionnaires.

Les noisettes livrées, Raguet, les ouvriers, Popinot, César en épluchèrent une quantité suffisante, et il y eut avant quatre heures quelques livres d’huile. Popinot alla présenter le produit à Vauquelin, qui fit présent à Popinot d’une formule pour mêler l’essence de noisette à des corps oléagineux moins chers et la parfumer. Popinot se mit aussitôt en instance pour obtenir un brevet d’invention et de perfectionnement. Le dévoué Gaudissart prêta l’argent pour le droit fiscal à Popinot qui avait l’ambition de payer sa moitié dans les frais d’établissement.

La prospérité porte avec elle une ivresse à laquelle les hommes inférieurs ne résistent jamais. Cette exaltation eut un résultat facile à prévoir. Grindot vint, il présenta le croquis colorié d’une délicieuse vue intérieure du futur appartement orné de ses meubles. Birotteau séduit consentit à tout. Aussitôt les maçons donnèrent les coups de pic qui firent gémir la maison et Constance. Son peintre en bâtiments, monsieur Lourdois, un fort riche entrepreneur qui s’engageait à ne rien négliger, parlait de dorures pour le salon. En entendant ce mot, Constance intervint.

— Monsieur Lourdois, dit-elle, vous avez trente mille livres de rente, vous habitez une maison à vous, vous pouvez y faire ce que vous voulez ; mais nous autres…

— Madame, le commerce doit briller et ne pas se laisser écraser par l’aristocratie. Voila d’ailleurs monsieur Birotteau dans le gouvernement, il est en évidence…

— Oui, mais il est encore en boutique, dit Constance devant ses commis et les cinq personnes qui l’écoutaient ; ni moi, ni lui, ni ses amis, ni ses ennemis ne l’oublieront.

Birotteau se souleva sur la pointe des pieds en retombant sur ses talons à plusieurs reprises, les mains croisées derrière lui.

— Ma femme a raison, dit-il. Nous serons modestes dans la