Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/336

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sculptées comme celles du baptistère florentin tournent sur leurs gonds de diamant. L’œil s’abîme en des vues splendides, il embrasse une enfilade de palais merveilleux d’où glissent des êtres d’une nature supérieure. L’encens des prospérités fume, l’autel du bonheur flambe, un air parfumé circule ! Des êtres au sourire divin, vêtus de tuniques blanches bordées de bleu, passent légèrement sous vos yeux en vous montrant des figures surhumaines de beauté, des formes d’une délicatesse infinie. Les amours voltigent en répandant les flammes de leurs torches ! Vous vous sentez aimé, vous êtes heureux d’un bonheur que vous aspirez sans le comprendre en vous baignant dans les flots de cette harmonie qui ruisselle et verse à chacun l’ambroisie qu’il s’est choisie. Vous êtes atteint au cœur dans vos secrètes espérances qui se réalisent pour un moment. Après vous avoir promené dans les cieux, l’enchanteur, par la profonde et mystérieuse transition des basses, vous replonge dans le marais des réalités froides, pour vous en sortir quand il vous a donné soif de ses divines mélodies, et que votre âme crie : Encore ! L’histoire psychique du point le plus brillant de ce beau finale est celle des émotions prodiguées par cette fête à Constance et à César. Collinet avait composé de son galoubet le finale de leur symphonie commerciale. Fatigués, mais heureux, les trois Birotteau s’endormirent au matin dans les bruissements de cette fête, qui, en constructions, réparations, ameublements, consommations, toilettes et bibliothèque remboursée à Césarine, allait, sans que César s’en doutât à soixante mille francs. Voilà ce que coûtait le fatal ruban rouge mis par le roi à la boutonnière d’un parfumeur. S’il arrivait un malheur à César Birotteau, cette dépense folle suffisait pour le rendre justiciable de la police correctionnelle. Un négociant est dans le cas de la banqueroute simple s’il fait des dépenses jugées excessives. Il est peut-être plus horrible d’aller à la sixième chambre pour de niaises bagatelles ou des maladresses, qu’en cour d’Assises pour une immense fraude. Aux yeux de certaines gens, il vaut mieux être criminel que sot.

II.

CÉSAR AUX PRISES AVEC LE MALHEUR.

Huit jours après cette fête, dernière flammèche du feu de paille d’une prospérité de dix-huit années près de s’éteindre, César regardait