Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/345

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— Pauvre père Birotteau, dit Alexandre, mais vous êtes donc en péril ?

— Péril !

— Eh ! bien, du courage, luttez.

— Luttez ! répéta le parfumeur.

— Du Tillet a été votre commis, il a une fière tête, il vous aidera.

— Du Tillet ?

— Allons, venez !

— Mon Dieu ! je ne voudrais pas rentrer chez moi comme je suis, dit Birotteau. Vous qui êtes mon ami, s’il y a des amis, vous qui m’avez inspiré de l’intérêt et qui dîniez chez moi, au nom de ma femme, promenez-moi en fiacre, Xandrot, accompagnez-moi. Le notaire désigné mit avec beaucoup de peine dans un fiacre la machine inerte qui avait nom César. — Xandrot, dit-il d’une voix troublée par les larmes, car en ce moment les larmes tombèrent de ses yeux et desserrèrent un peu le bandeau de fer qui lui cerclait le crâne, passons chez moi, parlez pour moi à Célestin. Mon ami, dites-lui qu’il y va de ma vie et de celle de ma femme. Que sous aucun prétexte personne ne jase de la disparition de Roguin. Faites descendre Césarine et priez-la d’empêcher qu’on ne parle de cette affaire à sa mère ; elle doit se défier de nos meilleurs amis, Pillerault, les Ragon, tout le monde.

Le changement de la voix de Birotteau frappa vivement Crottat qui comprit l’importance de cette recommandation. La rue Saint-Honoré menait chez le magistrat ; il remplit les intentions du parfumeur, que Célestin et Césarine virent avec effroi sans voix, pâle et comme hébété au fond du fiacre.

— Gardez-moi le secret sur cette affaire, dit le parfumeur.

— Ah ! se dit Xandrot, il revient ! je le croyais perdu.

La conférence d’Alexandre Crottat et du magistrat dura longtemps : on envoya chercher le président de la chambre des notaires ; on transporta partout César comme un paquet, il ne bougeait pas et ne disait mot. Vers sept heures du soir, Alexandre Crottat ramena le parfumeur chez lui. L’idée de comparaître devant Constance rendit du ton à César. Le jeune notaire eut la charité de le précéder pour prévenir madame Birotteau que son mari venait d’avoir une espèce de coup de sang.

— Il a les idées troubles, dit-il en faisant un geste employé