Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/370

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vieille réputation du parfumeur. Quoique subitement rentrées, les larmes du pauvre négociant parlaient énergiquement.

— Seriez-vous venu demander quelques services à ces arabes, dit du Tillet, ces égorgeurs du commerce, qui ont fait des tours infâmes, hausser les indigos après les avoir accaparés, baisser le riz pour forcer les détenteurs à vendre le leur à bas prix afin de tout avoir et tenir le marché, qui n’ont ni foi, ni loi, ni âme ? Vous ne savez donc pas ce dont ils sont capables ? Le Havre, Bordeaux et Marseille vous en diront de belles sur leur compte. La politique leur sert à couvrir bien des choses, allez ! Aussi les exploité-je sans scrupule ! Promenons-nous, mon cher Birotteau ! Joseph ! promenez mon cheval, il a trop chaud. Diable ! c’est un capital que mille écus. Et il se dirigea vers le boulevard. — Voyons, mon cher patron, car vous avez été mon patron, avez-vous besoin d’argent ? Ils vous ont demandé des garanties, les misérables. Moi je vous connais, je vous offre de l’argent sur vos simples effets. J’ai fait honorablement ma fortune avec des peines inouïes ; je suis allé la chercher en Allemagne, la fortune ! Je puis vous le dire aujourd’hui : j’ai acheté les créances sur le roi à soixante pour cent de remise, alors votre caution m’a été bien utile, et j’ai de la reconnaissance, moi ! Si vous avez besoin de dix mille francs, ils sont à vous.

— Quoi, du Tillet, s’écria César, est-ce vrai ? ne vous jouez-vous pas de moi ? Oui, je suis un peu gêné, mais ce n’est rien.

— Je le sais, l’affaire de Roguin, répondit du Tillet. Hé ! j’y suis de dix mille francs qu’il m’a empruntés pour s’en aller ; mais madame Roguin me les rendra sur ses reprises. Je lui ai conseillé de ne pas faire la sottise de donner sa fortune pour payer des dettes faites pour une fille. Ce serait bon si elle acquittait tout, mais comment favoriser certains créanciers au détriment des autres ? Vous n’êtes pas un Roguin, je vous connais, dit du Tillet, vous vous brûleriez la cervelle plutôt que de me faire perdre un sou. Venez, nous voilà rue du Mont-Blanc, montez chez moi.

Le parvenu prit plaisir à faire passer son ancien patron par ses appartements au lieu de le mener dans ses bureaux, et il le conduisit lentement afin de lui laisser voir une belle et somptueuse salle à manger, garnie de tableaux achetés en Allemagne, deux salons d’une élégance et d’un luxe que Birotteau n’avait encore admirés que chez le duc de Lenoncourt. Ses yeux furent éblouis par