Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/418

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où se trouvait par hasard son mari que l’oncle Pillerault voulait emmener, et qui, pour obéir à la loi, poussait l’humilité jusqu’à vouloir se laisser mettre en prison ; madame, au nom du ciel, n’ameutez pas les passants.

— Eh ! qu’ils entrent, dit la femme, je leux y dirai la chose, histoire de rire ! Oui, ma marchandise et mes écus ramassés à la sueur de mon front servent à donner vos bals. Enfin, vous allez vêtue comme une reine de France avec la laine que vous prenez à des pauvres igneaux comme moi ! Jésus ! ça me brûlerait les épaules, à moi, du bien volé ; je n’ai que du poil de lapin sur ma carcasse, mais il est à moi ! Brigands de voleurs, mon argent ou…

Elle sauta sur une jolie boîte en marqueterie où étaient de précieux objets de toilette.

— Laissez cela, madame, dit César en se montrant, rien ici n’est à moi, tout appartient à mes créanciers. Je n’ai plus que ma personne, et si vous voulez vous en emparer, me mettre en prison, je vous donne ma parole d’honneur (une larme sortit de ses yeux) que j’attendrai votre huissier et ses recors…

Le ton et le geste en harmonie avec l’action firent tomber la colère de madame Madou.

— Mes fonds ont été emportés par un notaire, et je suis innocent des désastres que je cause, reprit César ; mais vous serez payée avec le temps, dussé-je mourir à la peine et travailler comme un manœuvre, à la Halle, en prenant l’état de porteur.

— Allons, vous êtes un brave homme, dit la femme de la Halle. Pardon de mes paroles, madame ; mais faut donc que je me jette à l’eau, car Gigonnet va me poursuivre, et je n’ai que des valeurs à dix mois pour rembourser vos damnés billets.

— Venez me trouver demain matin, dit Pillerault en se montrant, je vous arrangerai votre affaire à cinq pour cent, chez un de mes amis.

— Quien ! c’est le brave père Pillerault. Eh ! mais, il est votre oncle, dit-elle à Constance. Allons, vous êtes d’honnêtes gens, je ne perdrai rien, est-ce pas ? À demain, vieux, dit-elle à l’ancien quincaillier.

César voulut absolument demeurer au milieu de ses ruines, en disant qu’il s’expliquerait ainsi avec tous ses créanciers. Malgré les supplications de sa nièce, l’oncle Pillerault approuva César, et le fit remonter chez lui. Le rusé vieillard courut chez monsieur Haudry,