Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/446

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César avec l’empressement naturel à un amoureux qui touche au bonheur. Le jeune négociant fut prodigieusement surpris de trouver sa future belle-mère, auprès de laquelle il arriva par un saut de chat lisant une lettre de du Tillet, car Anselme reconnut l’écriture de l’ancien premier commis de Birotteau. Une chandelle allumée, les fantômes noirs et agités de lettres brûlées sur le carreau firent frissonner Popinot qui, doué d’une vue perçante, avait vu sans le vouloir cette phrase au commencement de la lettre que tenait sa belle-mère :

Je vous adore ! vous le savez, ange de ma vie, et pourquoi

— Quel ascendant avez-vous donc sur du Tillet pour lui faire conclure une semblable affaire ? dit-il en riant de ce rire convulsif que donne un mauvais soupçon réprimé.

— Ne parlons pas de cela, dit-elle en laissant voir un horrible trouble.

— Oui, répondit Popinot tout étourdi, parlons de la fin de vos peines.

Anselme pirouetta sur ses talons et alla jouer du tambour avec ses doigts sur les vitres, en regardant dans la cour.

— Hé ! bien, se dit-il, quand elle aurait aimé du Tillet, pourquoi ne me conduirais-je pas en honnête homme ?

— Qu’avez-vous, mon enfant, dit la pauvre femme.

— Le compte des bénéfices nets de l’Huile Céphalique se monte à deux cent quarante-deux mille francs, la moitié est de cent vingt-un, dit brusquement Popinot. Si je retranche de cette somme les quarante-huit mille francs donnés à monsieur Birotteau, il en reste soixante-treize mille qui joints aux soixante mille francs de la cession du bail, vous donnent cent trente-trois mille francs.

Madame César écoutait dans des anxiétés de bonheur qui la firent palpiter si violemment que Popinot entendait les battements du cœur.

— Eh ! bien j’ai toujours considéré monsieur Birotteau comme mon associé reprit-il, nous pouvons disposer de cette somme pour rembourser ses créanciers. En l’ajoutant à celle de vingt-huit mille francs de vos économies placés par notre oncle Pillerault, nous avons cent soixante et un mille francs. Notre oncle ne nous refusera pas quittance de ses vingt-cinq mille francs. Aucune puissance humaine ne peut m’empêcher de prêter à mon beau-père, en