Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/450

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— Vous faut-il une quittance ? dit du Tillet en l’interrompant, payez-vous ?…

— Intégralement, et même les intérêts ; aussi vais-je vous prier de venir à deux pas d’ici, chez monsieur Crottat.

— Par devant notaire !

— Mais, monsieur, dit César, il ne m’est pas défendu de songer à la réhabilitation, et les actes authentiques sont alors irrécusables…

— Allons, dit du Tillet qui sortit avec Birotteau, allons, il n’y a qu’un pas. Mais où prenez-vous tant d’argent ? reprit-il.

— Je ne le prends pas, dit César, je le gagne à la sueur de mon front.

— Vous devez une somme énorme à la maison Claparon.

— Hélas ! oui, là est ma plus forte dette, je crois bien mourir à la peine.

— Vous ne pourrez jamais le payer, dit durement du Tillet.

— Il a raison, pensa Birotteau.

Le pauvre homme, en revenant chez lui, passa par la rue Saint-Honoré, par mégarde, car il faisait toujours un détour pour ne pas voir sa boutique ni les fenêtres de son appartement. Pour la première fois, depuis sa chute, il revit cette maison où dix-huit ans de bonheur avaient été effacés par les angoisses de trois mois.

— J’avais bien cru finir là mes jours, se dit-il en hâtant le pas. Il avait aperçu la nouvelle enseigne :

CÉLESTIN CREVEL,
SUCCESSEUR DE CÉSAR BIROTTEAU.

— J’ai la berlue. N’est-ce pas, Césarine ? s’écria-t-il en se souvenant d’avoir aperçu une tête blonde à la fenêtre.

Il vit effectivement sa fille, sa femme et Popinot. Les amoureux savaient que Birotteau ne passait jamais devant son ancienne maison. Incapables d’imaginer ce qui lui arrivait, ils étaient venus prendre quelques arrangements relatifs à la fête qu’ils méditaient de donner à César. Cette bizarre apparition étonna si vivement Birotteau, qu’il resta planté sur ses jambes.

— Voilà monsieur Birotteau qui regarde son ancienne maison, dit monsieur Molineux au marchand établi en face de la Reine des Roses.