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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac (éd. M. Levy), tome 20, 1870.djvu/637

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droits civiques comme tous les autres Français. Le célèbre chef de la police de sûreté me donna pour un fait sans exception que tous les criminels qu’il avait arrêtés sont demeurés entre une et quatre semaines avant d’avoir recouvré la faculté de saliver. Les assassins étaient ceux qui la recouvraient le plus tard. L’exécuteur des hautes œuvres n’avait jamais vu d’homme cracher en allant au supplice, ni depuis le moment où il lui faisait la toilette.

Qu’il nous soit permis de rapporter un fait que nous tenons du commandant même sur le vaisseau de qui l’expérience a eu lieu, et qui corrobore notre argumentation.

Sur une frégate du roi, avant la Révolution, en pleine mer, il y eut un vol commis. Le coupable était nécessairement à bord. Malgré les plus sévères perquisitions, malgré l’habitude d’observer les moindres détails de la vie en commun qui se mène sur un vaisseau, ni les officiers, ni les matelots ne purent découvrir l’auteur du vol. Ce fait devint l’occupation de tout l’équipage. Quand le capitaine et son état-major eurent désespéré de faire justice, le contre-maître dit au commandant :

— Demain matin, je trouverai le voleur.

Grand étonnement.

Le lendemain, le contre-maître fait ranger l’équipage sur le gaillard en annonçant qu’il va rechercher le coupable. Il ordonne à chaque homme de tendre la main, et lui distribue une petite quantité de farine. Il passe la revue en commandant à chaque homme de faire une boulette avec la farine en y mêlant de la salive. Il y eut un homme qui ne put faire sa boulette, faute de salive.

— Voilà le coupable, dit-il au capitaine.

Le contre-maître ne s’était pas trompé.

Ces observations et ces faits indiquent le prix qu’attache la nature à la mucosité prise dans son ensemble, laquelle déverse son trop-plein par les organes du goût, et qui constitue essentiellement les sucs gastriques, ces habiles chimistes, le désespoir de nos laboratoires. La médecine vous dira que les maladies les plus graves, les plus longues, les plus brutales à leur début, sont celles que produisent les inflammations des membranes muqueuses. Enfin le coryza, vulgairement nommé rhume de cerveau, ôte pen-