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Les discours de Robespierre


de la terre, et sur-tout des peuples que la nature et la raison attachent à notre cause, mais que l’intrigue et la perfidie cherchent à ranger au nombre de nos ennemis.

Au sortir du chaos où les trahisons d’une cour criminelle et le règne des factions avoient plongé le gouvernement, il faut que les législateurs du peuple français fixent les principes de leur politique envers les amis et les ennemis de la République ; il faut qu’ils déploient aux yeux de l’univers le véritable caractère de la nation qu’ils ont la gloire de représenter. Il est temps d’apprendre aux imbéciles qui l’ignorent, ou aux pervers qui feignent d’en douter, que la République française existe ; qu’il n’y a de précaire dans le monde que le triomphe du crime et la durée du despotisme ; il est temps que nos alliés se confient à notre sagesse et à notre fortune, autant que les tyrans armés contre nous redoutent notre courage et notre puissance.

La Révolution française a donné une secousse au monde. Les élans d’un grand peuple vers la liberté dévoient déplaire aux rois qui l’entouroient. Mais il y avoit loin de cette disposition secrète à la résolution périlleuse de déclarer la guerre au peuple français, et surtout à la ligue monstrueuse de tant de puissances essentiellement divisées d’intérêts.

Pour les réunir, il falloit la politique des deux cours dont l’influence dominoit toutes les autres ; pour les enhardir, il falloit l’alliance du roi même des Français, et les trahisons de toutes les factions qui le caressèrent et le menacèrent tour-à-tour pour régner sous son nom, ou pour élever un autre tyran sur les débris de sa puissance.

Les temps qui dévoient enfanter le plus grand des prodiges de la raison dévoient aussi être souillés par les derniers excès de la corruption humaine. Les crimes de la tyrannie accélérèrent les progrès de la liberté, et les progrès de la liberté multiplièrent les crimes de la tyrannie, en redoublant ses alarmes et ses fureurs. Il y a eu, entre le peuple et ses ennemis, une réaction continuelle dont la violence progressive a opéré en peu d’années l’ouvrage de plusieurs siècles.

Il est connu aujourd’hui de tout le monde que la politique du cabinet de Londres contribua beaucoup à donner le premier branle à notre révolution. Ses projets étoient vastes ; il vouloit, au milieu des orages politiques, conduire la France épuisée et démembrée à un changement de dynastie, et placer le duc d’York sur le trône de Louis XVI. Ce projet devoit être favorisé par les intrigues et par la puissance de la maison d’Orléans, dont le chef, ennemi de la cour de France, étoit depuis longtemps étroitement lié avec celle d’Angleterre. Content des honneurs, de la vengeance et du titre de beau-père du roi, l’insouciant Philippe auroit facilement consenti à finir sa carrière au sein du repos et de la volupté. L’exécution de ce plan devoit assurer à l’Angleterre les trois grands objets de son ambition ou de sa jalousie, Toulon, Dunkerque et nos Colonies. Maître à la fois de ces importantes