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SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN II

nature, l’autre de faire mal ou à contre-temps les choses mêmes qui sont bonnes en soi. Ils les ont employés tour-à-tour. Ils ont sur-tout manié les poignards (m) du fanatisme avec un art nouveau. On a cru quelquefois qu’ils vouloient le détruire ; ils ne vouloient que l’armer, & repousser par les préjugés religieux ceux qui étoient attirés (n) à notre Révolution par les principes de la morale & du bonheur public.

Dumouriez, dans la Belgique, excitoit nos volontaires nationaux à dépouiller les églises et à jouer avec les saints d’argent ; & le traître publioit en même temps des manifestes religieux dignes du pontife de Rome, qui vouoient les Français à l’horreur des Belges & du genre humain. Brissot aussi déclamoit (o) contre les prêtres, et il favorisoit la rébellion des prêtres du Midi & de l’Ouest.

Combien de choses le bon esprit du peuple a tourné au profit de la liberté, que les perfides émissaires de nos ennemis avoîent imaginées pour la perdre !

Cependant le peuple français, seul dans l’univers, combattoit pour la cause commune. Peuples alliés de la France, qu’êtes-vous devenus ? N’étiez-vous que les alliés du roi, & non ceux de la nation ? Américains, est-ce l’automate couronné, nommé Louis XVI, qui vous aida à secouer le joug de vos oppresseurs, ou bien nos bras & nos armées ? Est-ce le patrimoine d’une cour méprisable qui vous alimentoit, ou bien les tributs du peuple français & les productions de notre sol favorisé des cieux ? Non, citoyens, nos alliés n’ont point abjuré les sentiments qu’ils nous doivent ; mais s’ils ne se sont point détachés de notre cause, s’ils ne se sont pas rangés même au nombre de nos ennemis, ce n’est point la faute de la faction qui nous tyrannisoit (p).

Par une fatalité bizarre, la République se trouve encore représentée auprès d’eux par les agens des traîtres qu’elle a punis. Le beau-frère de Brissot est le consul général de la France près les États-Unis. Un autre homme, nommé Genest, envoyé par Lebrun et par Brissot à Philadelphie en qualité d’agent plénipotentiaire (q), a rempli fidèlement les vues & les instructions de la faction qui l’a choisi. Il a employé les moyens les plus extraordinaires pour irriter le gouvernement américain contre nous ; il a affecté de lui parler, sans aucun prétexte, avec le ton de la menace, & de lui faire des propositions également contraires aux intérêts des deux nations ; il s’est efforcé de rendre nos principes suspects ou redoutables, en les outrant par des applications ridicules. Par un contraste bien remarquable, tandis qu’à Paris ceux qui l’avoient envoyé persécutoient les Sociétés populaires, dénonçoient comme des anarchistes les républicains (r) luttans avec courage contre la tyrannie, Genest, à Philadelphie, se faisoit chef de club (s), ne cessoit de faire & de provoquer des motions aussi injurieuses qu’inquiétantes pour le gouvernement. C’est ainsi que la même faction qui en France vouloit réduire tous les pauvres à la condition d’ilotes, & soumettre