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Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 10.djvu/184

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Les discours de Robespierre

tyrannique, & qui abuseroit de sa prospérité pour étouffer la raison, pour enchaîner la pensée, pour opprimer la nation ?

Si un pays qui semble être le domaine de l’intrigue & de la corruption, peut produire quelques philosophes politiques capables de connoître & de défendre ses véritables intérêts ; s’il est vrai que les adversaires d’un ministère pervers sont autre chose que des intrigans qui disputent avec lui d’habileté à tromper le peuple, il faut convenir que les ministres anglais ne sauroient reculer trop loin la tenue de ce parlement dont le fantôme semble troubler leur sommeil.

Ainsi la politique même des gouvernemens doit redouter la chute de la République française : que sera-ce donc de la philosophie & de l’humanité ? Que la liberté périsse en France, la nature entière se couvre d’un voile funèbre, & la raison humaine recule jusqu’aux abîmes de l’ignorance & de la barbarie. L’Europe seroit la proie de deux ou trois brigands, qui ne vengeroient l’humanité qu’en se faisant la guerre, & dont le plus féroce, en écrasant ses rivaux nous rameneroit au règne des Huns & des Tartares. Après un si grand exemple, & tant de prodiges inutiles, qui oseroit jamais déclarer la guerre à la tyrannie ? Le despotisme, comme une mer sans rivages, se déborderoit sur la surface du globe ; il couvriroit bientôt les hauteurs du monde politique, où est déposée l’arche qui renferme les chartes de l’humanité ; la terre ne seroit plus que le patrimoine du crime ; & ce blasphème reproché au second des Brutus, trop justifié par l’impuissance de nos généreux efforts, seroit le cri de tous les cœurs magnanimes : O Vertu ! pourroient-ils s’écrier, tu n'es donc quun vain nom !

Oh ! qui de nous ne sent pas agrandir toutes ses facultés, qui de nous ne croit s’élever au-dessus de l’humanité même, en songeant que ce n’est pas pour un peuple que nous combattons, mais pour l’univers, pour les hommes qui vivent aujourd’hui, mais pour tous ceux qui existeront ? Plût au ciel que ces vérités salutaires, au lieu d’être renfermées dans cette étroite enceinte, pussent retentir en même temps à l’oreille de tous les peuples ! au même instant les flambeaux de la guerre seroient étouffés, les prestiges de l’imposture disparoîtroient, les chaînes de l’univers seroient brisées, les sources des calamités publiques taries, tous les peuples ne formeroient plus qu’un peuple de frères, & vous auriez autant d’amis qu’il existe d’hommes sur la terre. Vous pouvez au moins les publier d’une manière plus lente à la vérité. Ce manifeste de la raison, cette proclamation solemnelle de vos principes, vaudra bien ces lâches & stupides diatribes que l’insolence des plus vils tyrans ose publier contre vous.

Au reste, dût l’Europe entière se déclarer contre vous, vous êtes plus forts que l’Europe. La République française est invincible comme la raison ; elle est immortelle comme la vérité. Quand la liberté a fait une conquête telle que la France, nulle puissance humaine ne peut l’en chasser. Tyrans, prodiguez vos trésors, rassemblez vos satellites, .