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SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN II

Voulez-vous connaître d’un seul trait toute l’importance que ceux-ci mettent au succès de ces machinations, et en même temps toute la lâcheté de leurs moyens ? Il suffira de vous faire part du bizarre stratagème que les Autrichiens viennent d’employer. Au moment où j’avais terminé ce rapport, le Comité de salut pubUc a reçu une note authentique que l’Autriche avait fait remettre au gouvernement bernois.

Le gouvernement bernois inquiet la communiqua à notre ambassadeur en Suisse, en le priant de dissifjer toutes les craintes à ce sujet ; (x) qui tend à ce but ; (y) la perfidie ; (z) vu que les divers griefs dont ils auraient pu avoir à se plaindre étoient en partie ; (aa) A partir d'ici, nous reproduisons deux passages du texte du «Moniteur», où les variantes deviennent trop nombreuses : «Is ont constamment consulté les véritables intérêts de leur patrie et l’affection naturelle qui attache à la France le peuple des cantons.

Le Comité suivra les mêmes principes avec toutes les nations amies ; nous vous proposerons des mesures fondées sur cette base. Au reste, la seule exposition que je viens de faire de vos principes déconcertera les trames ourdies dans l’ombre depuis longtemps. La garantie est dans les maximes raisonnables qui dirigent notre gouvernement. Tel est l’avantage d’une république puissante : sa diplomatie est dans sa bonne foi ; et comme un honnête homme peut ouvrir impunément à ses concitoyens son cœur et sa maison, un peuple libre peut dévoiler aux nations toutes les bases de sa politique.

Quel que soit le résultat de ce plan de conduite, il ne peut être que favorable à notre cause ; et s’il arrivait qu’un génie ennemi de l’humanité poussât le gouvernement de quelque nation neutre dans le parti de nos ennemis conununs, il trahirait le peuple qu’il régit sans servir les tyrans ; du moins il se perdrait. Nous serons plus forts contre lui de sa propre bassesse et de notre loyauté, car la justice est une grande partie de la puissance.

Mais il importe dès ce moment d’embrasser d’une seule vue le tableau de l’Europe ; il faut nous donner ici le spectacle du monde politique qui s’agite autour de nous et à cause de nous.

Dès le moment où on forma le projet d’une ligue contre la France, on songea à intéresser les diverses puissances par un projet de partage de cette belle contrée. L’existence de ce plan est attestée aujourd’hui, non seulement par les événements, mais par des pièces authentiques. A l’époque où le Comité de salut public fut formé, un plan d’attaque et de démembrement de la France, arrêté par le cabinet britannique, fut communiqué aux membres qui le composaient alors. On y fit peu d’attention dans ce temps-là, parce qu’il paraissait peu vraisemblable, et que la défiance pour ces sortes de confidences est assez naturelle. Les faits, depuis cette époque, l’ont vérifié chaque jour. L’Angleterre ne s’était pas oubliée dans ce partage ; elle devait avoir Dunkerque, Toulon, les colonies, sans compter la chance de la couronne pour le duc d’York, à laquelle on ne renonçait pas, mais dont on sacrifiait les portions qui devaient former le lot des autres puissances. Il n’était pas difficile de faire entrer dans la ligue le stathouder de Hollande qui, comme on sait, est moins le prince des Bataves que le sujet de sa femme, et par conséquent de la cour de Berlin.

Quant au phénomène politique de l’alliance du roi de Prusse avec le chef de la maison d’Autriche, nous l’avons déjà expliqué. Comme deux brigands, qui se battent pour partager les dépouilles d’un voyageur qu’ils ont assassiné, oublient leur querelle pour courir ensemble à une nouvelle proie, ainsi le monarque de Vienne et celui de Berlin suspendirent leurs anciens différends pour tomber sur la France et pour dévorer la République naissante. Cependant le concert apparent de ces deux puissances cache une division réelle.

Mais l’Autriche est ici la dupe de la Prusse, dont le cabinet est actuellement dirigé par la Russie, quoique ce fait ne soit pas connu de tout le monde » ; (bb) « Vous pouvez avoir maintenant en quelque sorte devant les yeux le bilan de toutes les nations européennes et le vôtre, vous pouvez en tirer le résultat suivant. C’est que l’univers est intéressé à la conservation de la République française. De