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LES DISCOURS DE ROBESPIERRE

semble implorer, pour ainsi dire, le secours de la Convention contre les Jacobins. Craint-il les yeux et les oreilles du peuple ? Craint-il que sa triste figure ne présente visiblement le crime, que six mille regards fixés sur lui ne découvrent dans ses yeux son âme toute entière, et qu’en dépit de la nature qui les a cachés, on y lise ses pensées ? Craint-il que son langage ne décèle l’embarras et les contradictions d’un coupable ?

Un homme sensé doit juger que la crainte est le seul motif de la conduite de Fouché : or l’homme qui craint les regards de ses concitoyens, est un coupable. Il prend pour prétexte que sa dénonciation est renvoyée au Comité de salut public ; mais oublie-t-il que le tribunal de la conscience publique est le plus infaillible ? Pourquoi refuse-t-il de s’y présenter ?

L’obligation de rendre compte de sa mission aux Comités de salut public et de sûreté générale qui sont le gouvernement, et à la Convention qui en est la source, ou plutôt qui est le gouvernement par essence, cette obligation, dis-je, ne détruit pas celle de paroître aux yeux d’une Société respectable, et ne l’excuse pas d’avoir l’air de la mettre en contradiction avec la Convention. Un représentant est responsable à la Convention de ses actions ; mais un bon citoyen ne balance pas à paroître devant ses concitoyens.

Si le système de Fouché pouvoit dominer, il s’ensuivroit que ceux qui ont dénoncé des complots hors de la Convention ont commis un crime ; telle fut la marche de tous les conjurés, qui dès le moment où on a voulu les juger, ont fui cette Société, et l’ont dénoncée aux différentes assemblées nationales comme un rassemblement de factieux. J’appelle ici Fouché en jugement, qu’il réponde et qu’il dise qui de lui ou de nous a soutenu plus dignement les droits de représentans du peuple, et foudroyé avec plus de courage toutes les factions ? Est-ce lui qui dévoila les Hébert et les Chaumette lorsqu’ils tramoient des projets d’assassinats, et qu’ils vouloient avilir la Convention ? Non. C’est nous, qui, dans cette tribune, lorsque les Hébertistes prétendoient être plus patriotes que nous, les avons fait voir à découvert ; c’est nous qui avons fait taire les fausses dénonciations. Qu’ils disent s’ils auroient été écoutés ici, ces hommes qui n’avoient servi la révolution que pour la déshonorer et la faire tourner au profit de l’étranger et de l’aristocratie. Tous les vils agens qui conspiroient, n’ont pas plutôt vu leurs pareils dévoilés et punis, qu’ils ont paru abandonner leur cause et parce que nous avions écarté les calomnies perfidement combinées contre la Convention, ils ont étendu ce principe sur eux-mêmes de manière à le rendre tyrannique. Les moindres paroles contre cette espèce d’hommes, ont été regardées par eux comme des crimes, la terreur étoit le moyen dont ils se servoient pour forcer les patriotes au silence ; ils plongeoient dans les cachots ceux qui avoient le courage de le rompre, et voilà le crime que je reproche à Fouché.