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Séance du 8 thermidor An II

Ce sont eux qu’on accuse d’attenter à la représentation nationale ! Et où chercheraient-ils un autre appui ? Après avoir combattu tous vos ennemis, après s’être dévoués à la fureur de toutes les factions pour défendre et votre existence et votre dignité, où chercheraient-ils un asile, s’ils ne le trouvaient pas dans votre sein ?

Ils aspirent, dit-on, au pouvoir suprême ; ils l’exercent déjà… La Convention nationale n’existe donc pas ! Le peuple français est donc anéanti ! Stupides calomniateurs ! Vous êtes-vous aperçus que vos ridicules déclamations ne sont pas une injure faite à un individu, mais à une nation invincible, qui dompte et qui punit les rois ? Pour moi, j’aurais une répugnance extrême à me défendre personnellement devant vous contre la plus lâche de toutes les[1] tyrannies, si vous n’étiez pas convaincus que vous êtes les véritables objets des attaques de tous les ennemis de la République. Eh ! que suis-je pour mériter leurs persécutions, si elles n’entraient dans le système général de leur conspiration[2] contre la Convention nationale ? N’avez-vous pas remarqué que, pour vous isoler de la nation, ils ont publié à la face de l’univers que vous étiez des dictateurs régnant par la terreur, et désavoués par le vœu tacite des Français ? N’ont-ils pas appelé nos armées les hordes conventionnelles ? la Révolution française, le Jacobinisme ? Et, lorsqu’ils affectent de donner à un faible individu en butte aux outrages de toutes les factions une importance gigantesque et ridicule, quel peut être leur but, si ce n’est de vous diviser, de vous avilir en niant votre existence même, semblables à l’impie qui nie l’existence de la Divinité qu’il redoute ?

Cependant ce mot de dictature a des effets magiques ; il flétrit la liberté ; il avilit le gouvernement, il détruit la République ; il dégrade toutes les institutions révolutionnaires, qu’on présente comme l’ouvrage d’un seul homme ; il rend odieuse la justice nationale, qu’il présente comme instituée par l’ambition d’un seul homme ; il dirige sur ce point toutes les haines et tous les poignards du fanatisme et de l’aristocratie.

Quel terrible usage les ennemis de la République ont fait du seul nom d’une magistrature romaine ! Et si leur érudition nous est si fatale, que sera-ce de leurs trésors et de leurs intrigues ? Je ne parle point de leurs armées ; mais qu’il me soit permis de renvoyer au duc d’York et à tous les écrivains royaux les patentes de cette dignité ridicule, qu’ils m’ont expédiée les premiers. Il y a trop d’insolence à des rois, qui ne sont pas sûrs de conserver leurs couronnes, de s’arroger le droit d’en distribuer à d’autres ! Je conçois qu’un prince ridicule, que cette espèce d’animaux immondes et sacrés qu’on appelle encore rois, puissent se complaire dans leur bassesse et s’honorer de leur

  1. Hamel : « la plus lâche des tyrannies ».
  2. Hamel : « de conspiration ».