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Les discours de Robespierre

nous livra sans regret, parce qu’il se fait de leur corps un rempart à l’abri duquel, il peut agir et consommer notre perte. Voyez-les, ces agens, avec quelle perfidie ils vous répondent aux plaintes des citoyens : Que voulez-vous, nous ne pouvons rien, c'est à Robespierre que vous devez vous en prendre ; de là cette foule de calomnies qui chaque jour se renouvellent contre moi, et se grossissent en se propageant.

Ainsi l’on répandoit que le Comité de salut public avoit créé dans son sein une commission des finances, et que j’en étois le président. Ainsi, tandis que les papiers allemands publient mon arrestation, des colporteurs la recrioient dans Paris. Mais voulez-vous découvrir la source des accusations lancées contre moi ? je vous la fais voir dans les papiers d’un conspirateur, dont l’échafaud a fait justice.

«Si cet astucieux démagogue, y étoit-il dit, en parlant de moi, n’existoit pas, la nation seroit libre ; on pourroit énoncer sa pensée, et jamais on n’auroit vu cette foule d’assassinats connus sous le nom de jugements du tribunal révolutionnaire.» Vous les connoissez donc les auteurs de ces calomnies : ce sont en première ligne le duc d’Yorck, monsieur Pitt, et ses émissaires.

Qui ensuite ?... Je n’ose me résoudre à lever le voile qui couvre tant d’iniquités, mais sachez qu’on y compte surtout des hommes qui se sont opposés au décret qui terrasse l’athéisme, efface des tombeaux cette inscription placée par Chaumette, le désespoir de l’homme de bien : «La mort est un sommeil éternel et y substitue ces mots consolateurs : «La mort est le commencement de l'immortalité».

De ses plaintes contre ceux qui le calomnient, Robespierre passe au développement des vérités qu’il a recueillies, et dont il déclare que la publicité peut sauver la patrie. Depuis quatre décades au moins, dit-il, je me suis vu forcé de renoncer aux fonctions que vous m’avez confiées, mais toujours mes yeux ont été ouverts sur la chose publique. J’ai vu que l’Anglais, si maltraité dans nos discours, ne l’étoit point autant sur les frontières, et que votre décret contre eux restoit presque sans exécution[1] : je me suis étonné de la légèreté académique avec laquelle on vous parloit quelquefois de nos victoires[2], comme si elles n’avoient rien coûté à nos défenseurs ; du ridicule qu’on s'étoit seulement attaché à répandre sur la mère de Dieu, lorsque la conspiration dont elle est l’âme est liée à toutes les autres, et que je vous avertis qu’on s’amuse à planter dans la Belgique des arbres stériles de la liberté, au lieu d’y cueillir les fruits de la victoire.

Sans doute les Comités renferment les plus fortes colonnes de la liberté ; mais la majorité est paralysée : on se cache ; on dissimule, on

  1. Décret du 7 prairial qui défend de faire des prisonniers anglais ou hanovriens.
  2. Allusion à Barère.