Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/113

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sante qu’on nous cite, est celle d’un ministre de Louis XVI, combattue par un autre ministre du même tyran[1]. J’ai vu naître la législation de l’assemblée constituante sur le commerce des grains[2] ; elle n’étoit que celle du tems qui l’avoit précédée ; elle n’a pas changé jusqu’à ce moment, parce que les intérêts et les préjugés qui en étoient la base, n’ont point changé[3]. J’ai vu, au tems de la même assemblée, les mêmes événemens qui se renouvellent à cette époque ; j’ai vu l’aristocratie accuser le peuple ; j’ai vu les intrigants hypocrites imputer leurs propres crimes aux défenseurs de la liberté qu’ils nommaient agitateurs et anarchistes ; j’ai vu un ministre impudent dont il n’était pas permis de soupçonner la vertu, exiger les adorations de la France en la ruinant[4], et du sein de ces criminelles intrigues, la tyrannie sortir armée de la loi martiale, pour se baigner légalement dans le sang des citoyens affamés[5]. Des millions au ministre, dont il était défendu de lui demander compte, des primes qui tournaient au profit de sang-sues du peuple, la liberté indéfinie du commerce ; et des baïonnettes pour calmer les alarmes ou pour opprimer la faim, telle fut la politique vantée des nos premiers législateurs.

Les primes peuvent être discutées ; la liberté du commerce est nécessaire jusqu’au point où la cupidité homicide commence à en abuser ; l’usage des baïonnettes est une atrocité ; ce système est essentiellement incomplet parce qu’il ne porte point sur le véritable principe.

Les erreurs où on est tombé à cet égard me paraissent venir de deux causes principales :

1° Les auteurs de la théorie ( du libre marché)n’ont considéré les denrées les plus nécessaires à la vie que comme une marchandise ordinaire, et n’ont mis aucune différence entre le commerce du blé, par exemple, et celui de l’indigo ; ils ont plus disserté sur le commerce des grains, que sur la subsistance du peuple ; et faute d’avoir fait entrer cette

  1. Allusion à Turgot et à l’édit du 18 sept. 1774 sur la libre circulaftion des grains. Il fut obligé, on le sait, de démissionner en mai 1776 et fut remplacé par Necker.
  2. Voir P. Caron, Recueil des principaux textes législatifs et administratifs de 1788 à l’an V ; Ch. Lorrain, Les subsistances en céréales dans le district de Chaumont de 1786 à l’an V ; G. Lefebvre, Documents relatifs à l’histoire des subsistances dans le district de Bergues pendant la Révolution ; F. Mourlot, Recueil des documents d’ordre économique contenus dans les registres des délibérations des municipalités du district d’Alençon (1788-an V) ; A. Defresne et F. Evrard, Les subsistances dans le district de Versailles (1788-an V) ; Afanassiev, Le commerce des céréales au XVIIIe siècle.
  3. Voir les décrets des 31 déc. 1791 et 6 janv. 1792 sur la libre circulation des grains.
  4. Allusion à Necker.
  5. Cf. Discours… lre partie, séances des 21 oct. 1789, p. 121 ; et 22 fév. 1790, p. 237 et s.