Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/394

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grands événemens qui devaient arriver[1]. En peu de tems il avait purgé les bureaux de la guerre, les garnisons et l’armée de tous les agens et de tous les chefs patriotes ; il les avait remplacés par des hommes plus que suspects ; il avait laissé nos places fortes sans garnisons et sans munitions. On se rappelle avec quelle hardiesse il trompait la Convention nationale sur l’état de nos affaires dans la Belgique, au moment où les trahisons des généraux les avaient déjà perdues ; et comment les fausses nouvelles qu’il débitait furent démenties par les commissaires de l’Assemblée[2]. Les autres généraux étaient entrés dans ce vaste plan de conspirations ; et pour mieux en assurer le succès, le ministre avait mis le comble à ses attentats, en faisant suspendre la fabrication des armes dans toutes nos manufactures. Dans le même temps on excitait des troubles dans une grande partie de la France, et sur-tout dans nos départemens maritimes. Les aristocrates révoltés avaient levé de grandes armées bien approvisionnées ; il avaient saccagé des villes, égorgé une multitude de patriotes ; et personne n’avait songé à réprimer cette conspiration tramée depuis quatre mois[3] ; et ni le ministre, ni le Comité de défense générale, composé en grande partie de la faction que je dénonce, n’en avait donné avis à l’Assemblée ni à la nation. Enfin le ministre de la guerre[4] nomme un général pour commander les patriotes, et ce général ( Marcé) est un traître qui livre notre artillerie aux révoltés, et qui mène les défenseurs de la liberté à la boucherie. Par-tout il nomme des offi-

  1. Robespierre fait allusion à la nomination de Beurnonvilîe au ministère de la Guerre, à la place de Pache, le 4 février 1793, grâce à l’influence des Girondins. Beurnonville était, en effet, suspect aux Jacobins. A maintes reprises, Marat le dénonça. Lors de l’arrestation, par Dumouriez, des commissaires envoyés près de lui pour le suspendre, le général dira au ministre qui lui demandait de partager le sort des députés qui l’accompagnaient : « N’en doutez pas, et je crois, par là, vous rendre service. » Il ne croyait pas si bien dire. Beaulieu, plus tard, dira : « Beurnonville doit sa conservation à son séjour dans les prisons d’Autriche. » (Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution française). Revenu de captivité, Beurnonville deviendra, sous l’Empire, ambassadeur à Berlin, comte, marquis, maréchal de France. (A. Chuquet, ibid., p. 175, et Dr Lucien Graux, ! Le maréchal de Beurnonville, Paris, 1930)
  2. Maintes fois les députés, surtout Marat, démentirent les nouvelles sur la situation des armées en Belgique, notamment le 29 mars (Mon. XV, 831). Le 10 mars, par exemple, un secrétaire lut un rapport de Beurnonville sur les opérations en Belgique, contenant des nouvelles rassurantes, et aussitôt après, les commissaires envoyés près l’armée, annonçaient l’échec d’Aix-la-Chapelle, d’après une lettre de Dumouriez lui-même (Mon., XV, 673).
  3. Début du soulèvement de la Bretagne et de la Vendée.
  4. Voir ci-dessus, p. 330, séance du 23 mars.