Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/400

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Que dirons-nous de la comédie grossière de cet aide-de-camp qui vint deux jours après raconter à la barre de l’assemblée nationale, qu’il avait reçu un coup de sabre d’un satellite de Dumouriez[1] et de cette pasquinade plus grossière encore de Dumouriez qui se plaignait de ce que son confident, Beurnonville, était venu pour l’assassiner au milieu de son armée[2], et qui ensuite disait hautement qu’il répondait de lui, parce qu’il était son ami ?

Qu’avons-nous vu depuis ce temps jusqu’au moment où je parle ? aucune mesure décisive pour le salut de la patrie ; parce que l’influence de la faction les a toutes dirigées. Quelques individus ont été mis en état d’arrestation ; le scellé a été apposé sur leurs papiers : mais après qu’ils ont été bien et dument avertis, et que plusieurs d’entr’eux, tels que Sylleri et d’Orléans, ont eux-mêmes invoqué cette formalité[3]. Bonne-Carrère, Laclos, Sauvin, et d’autres également suspects, ont été relâchés aussitôt qu’arrêtés[4]. On a mis en otage tous les Bourbons ; mais il fallait remettre les prévenus entre les mains de la justice. Les constituer en otages et les envoyer aux extrémités de la République, qu’était-ce autre chose que les soustraire à l’empire de la loi et à l’autorité du tribunal révolutionnaire, que les conspirateurs redoutent. Qu’était-ce autre chose que les réserver, en quelque sorte, comme des objets d’échange avec nos commissaires arrêtés par la connivence de Dumouriez, avec les chefs de la faction, et comme des moyens de transition avec les tyrans ? [5]

  1. L’aide de Camp de Dumouriez auquel Robespierre fait allusion s’appelle Bernazé. Il vint faire son récit à la Convention le 4 avril (Mon., XVI, 58-59).
  2. Voir Lettre de Dumouriez au général Miaczinsky du 2 avril, saisie dAns ses papiers et lue à la Convention le 3. (Mon. XVI, 56).
  3. Sililery et Philippe-Egalité comparurent d’abord le 31 mars au soir dEvant le Comité de défense générale (Aulard, Recueil… II, 593), puis le 4 avril devant la Convention qui décida, sur la proposition de La Reveillière-Lepeaux, de mettre en état d’arrestation la femme et les enfants du général Valence, la femme de Philippe-Egalité, Mme de Montessora, et décida, en outre, que Sillery et Phillippe-Egalité seraient gardés à vue, avec liberté d’aller où ils jugeraient à propos dans Paris seulement. (Mon., XVI, 61). Mais le 5, Sillery fut arrêté, et deux jours après, l’ex-duc d’Orléans.
  4. Pierre Ambroisie Charles Choderlos de Laclos (1741-1803) ne fut remis en liberté que le 11 frimaire an III.
  5. Le 4 avril, la Convention avait décrété que « les pères et mères, les femmes et les enfants des officiers de l’armée qui étaient commandée par Dumouriez, depuis le grade de sous-lieutenant, jusqu’au grade de lieutenant-général inclusivement, seraient gardés a vue comme otages par chaque municipalité du lieu de leur résidence, jusqu’à ce que les commissaires envoyés par la Convention nationale et le ministre de la Guerre, détenus par la perfidie de Dumouriez, soient remis en liberté, ou que l’armée de la Belgique soit remise sous les ordres du nouveau général qui sera nommé ». (Aulard, Recueil des actes… II, 575, note, et Mon., XVI, 57-58).