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Page:Œuvres complètes de Platon, série 3, tome 1, Dialogues dogmatiques (trad. Dacier et Grou), 1866.djvu/371

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honte de descendre, il n’aurait ni un ennemi ni un ami qui ne l’empêchât de s’avilir à ce point. Les uns lui reprocheraient de se conduire en flatteur et en esclave ; les autres en rougiraient et s’efforceraient de l’en corriger. Cependant tout cela sied merveilleusement à un homme qui aime : non-seulement on souffre ses bassesses sans y attacher de déshonneur, mais on l’estime comme un homme qui fait très-bien son devoir : et ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’on veut que les amants soient les seuls parjures que les dieux ne punissent point ; car on dit que les serments n’engagent point en amour ; tant il est vrai que dans nos mœurs les hommes et les dieux permettent tout à un amant. Il n’y a donc personne qui là-dessus ne demeure persuadé qu’il est très-louable en cette ville, et d’aimer et de payer de retour ceux qui nous aiment. Et d’un autre côté cependant, si l’on considère avec quel soin un père met auprès de ses enfants un gouverneur qui veille sur eux, et que le plus grand devoir de ce gouverneur est d’empêcher qu’ils ne parlent à ceux qui les aiment ; que leurs camarades même, s’ils les voient entretenir de pareils commerces, les accablent de railleries ; que les gens plus âgés ne s’opposent point à ces railleries et ne blâment pas ceux qui s’y livrent : à examiner cet usage de notre ville, ne croirait-on pas que nous sommes dans un pays où il y a de la honte à former de pareilles liaisons ? Voici comment il faut accorder cette contradiction : l’amour, comme je disais d’abord, n’est de soi-même ni beau ni laid. Il est beau si l’on aime selon