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Page:Œuvres complètes de Platon, série 3, tome 1, Dialogues dogmatiques (trad. Dacier et Grou), 1866.djvu/391

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qu’il est le plus jeune des dieux, et qu’il est toujours jeune. Ces vieilles querelles des dieux que nous racontent Hésiode et Parménide, si tant est qu’elles soient vraies, ont eu lieu sous l’empire de la Nécessité, et non sous celui de l’Amour : car il n’y aurait eu parmi les dieux ni mutilations, ni chaînes, ni tant d’autres violences, si l’Amour eût été avec eux ; mais la paix et l’amitié les auraient unis comme maintenant, depuis que l’Amour règne sur eux. Il est donc certain qu’il est jeune, et de plus il est délicat. Mais il faudrait un poëte tel qu’Homère pour exprimer la délicatesse de ce dieu. Homère dit qu’Até est déesse et délicate :

« Ses pieds, dit-il, sont délicats ; car elle ne les pose jamais à terre, mais elle marche sur la tête des hommes[1]. »

C’est, je pense, prouver assez la délicatesse d’Até que de nous dire qu’elle ne s’appuie pas sur ce qui est dur, mais sur ce qui est doux. Je me servirai d’une preuve semblable pour montrer combien l’Amour est délicat. Il ne marche ni sur la terre ni sur des têtes, qui d’ailleurs ne présentent pas un point d’appui fort doux ; mais il marche et se repose sur les choses les plus tendres, car c’est dans les cœurs et dans les âmes des dieux et des hommes qu’il fait sa demeure. Et encore n’est-ce pas dans toutes les âmes, car il s’éloigne des cœurs durs et ne se repose que dans les cœurs tendres. Or, comme jamais il ne touche du pied ou de toute autre partie

  1. Iliade, liv. XIX, v. 92.