Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/106

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qu’il est impossible, cher fils de Clinias et de Deinomakhè, que tu puisses réaliser tous ces projets sans moi, tant est grande la puissance que je crois avoir sur tes affaires et sur toi-même. » C’est pour cela, je pense, que le dieu m’a si longtemps empêché de te parler et que j’ai attendu le moment où il le permettrait. Car si toi, tu espères faire voir au peuple que tu es pour lui d’une valeur sans égale et acquérir aussitôt par là un pouvoir absolu, moi, de mon côté, j’espère être tout-puissant près de toi, quand je t’aurai fait voir que je suis pour toi d’un prix inappréciable et que ni tuteur, ni parent, ni personne autre n’est à même de te donner la puissance à laquelle tu aspires, excepté moi, avec l’aide de Dieu toutefois. Tandis que tu étais plus jeune et avant que tu fusses, semblait-il, gonflé de si grandes ambitions, le dieu ne me permettait pas de m’entretenir avec toi, pour que mes paroles ne fussent pas perdues. Il m’y autorise à présent ; car à présent tu peux m’entendre.

ALCIBIADE

III. — Je t’avoue, Socrate, que je te trouve beaucoup plus étrange encore, à présent que tu t’es mis à parler, que lorsque tu me suivais sans rien dire, et cependant, même alors, tu le paraissais terriblement. Maintenant, que je nourrisse ou non les projets que tu dis, ton siège est fait là-dessus, et j’aurais beau le nier, je n’en serais pas plus avancé pour te persuader. Voilà qui est entendu. Mais si j’admets que j’ai réellement ces desseins, comment seront-ils réalisés grâce à toi, irréalisables sans toi ? Peux-tu l’expliquer ?

SOCRATE

Me demandes-tu si je puis le, faire par un long discours, comme ceux que tu es habitué à entendre ? Non, ce n’est pas ma manière ; mais je suis en état, je crois, de te démontrer qu’il en est ainsi, pourvu seulement que tu consentes à m’y aider un peu.

ALCIBIADE

J’y consens, si l’aide n’est pas trop difficile à donner.