Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/135

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ALCIBIADE

Évidemment, il semble bien que c’est moi.

SOCRATE

Si donc quelqu’un, s’imaginant distinguer le juste et l’injuste, se lève pour donner un conseil au peuple d’Athènes ou de Péparèthe7, et s’il dit que les choses justes sont parfois mauvaises, ne te moquerais-tu pas de lui, puisque justement tu affirmes toi-même que le juste et l’utile sont identiques ?

ALCIBIADE

Ah ! par les dieux, Socrate, je ne sais plus ce que je dis et je crois vraiment que j’ai perdu la tête ; car selon que tu m’interroges, je suis tantôt d’un avis, tantôt de l’autre.

SOCRATE

Et cet état où tu te trouves, tu ignores, cher ami, d’où il provient ?

ALCIBIADE

Entièrement.

SOCRATE

Crois-tu donc, si l’on te demandait si tu as deux yeux ou trois, deux mains ou quatre, ou quelque autre chose pareille, que tu répondrais tantôt une chose, tantôt une autre, ou que tu répondrais toujours la même chose ?

ALCIBIADE

Je doute à présent de moi-même ; cependant je crois que je répondrais la même chose.

SOCRATE

N’est-ce pas parce que tu sais ? n’est-ce pas là la cause ?

ALCIBIADE

Je le crois.

SOCRATE

Donc, quand tu fais malgré toi des réponses contradictoires sur une chose, c’est une marque infaillible que tu ne la connais pas.

ALCIBIADE

C’est probable.