Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/336

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Invité à réfléchir de nouveau, Charmide répond que la sagesse consiste dans la pudeur. — « Non, dit Socrate, car il y a des circonstances où la pudeur est mauvaise, comme en témoigne le vers d’Homère :

« La honte n’est pas bonne pour l’indigent. »

Alors, se souvenant d’une définition qu’il a entendue de Critias, Charmide avance qu’être sage, c’est faire ses propres affaires. — C’est une énigme, cela, s’écrie Socrate ; car est-il possible que la sagesse consiste pour chacun à fabriquer ses vêtements et ses chaussures, à laver son linge, sans rien faire pour autrui ? — Peut-être, dit Charmide, jetant un regard sur Critias, l’auteur de cette définition n’a-t-il pas su ce qu’il disait. »

Là-dessus Critias prend feu et entre en lice à la place de Charmide, pour défendre sa définition. Il distingue entre faire ses propres affaires et faire, c’est-à-dire fabriquer celles d’autrui. On peut travailler pour autrui sans cesser d’être sage. « Alors, dit Socrate, on peut donc être sage sans le savoir, puisque les artisans, en travaillant pour autrui, ne savent pas s’ils tireront ou non profit de leur travail ? ~) C’est une conséquence que Critias repousse énergiquement. On ne peut être sage qu’en se connaissant soi-même, selon le précepte inscrit au fronton du temple de Delphes. Il est prêt, dit-il, à rétracter ce qu’il a dit, au moins en partie, et à définir la sagesse « la connaissance de soi-même ». — « Soit, dit Socrate ; mais toute science a un objet propre, qui est différent d’elle-même ; par exemple la médecine a pour objet la santé, le calcul le pair et l’impair. — La sagesse, répond Critias, n’est pas une science comme les autres. Les autres sont en effet des sciences d’autres choses qu’elles-mêmes, au lieu que la sagesse est la science d’elle-même et des autres sciences et aussi de l’ignorance, c’est-à-dire que la sagesse consiste à savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas. — Une telle science, répond Socrate, est inconcevable. Autant dire qu’il existe une vue qui ne serait pas la vue