Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/35

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rieurs qui se trouvent à l’aise au milieu des plus hautes abstractions, comme le commun des mortels dans une conversation banale. Aussi, quand l’idée s’élève, le ton s’élève aussi, et, si elle est importante et chère à l’auteur, il l’éclaire de magnifiques comparaisons. Telle est celle de l’aimant dans l’Ion, de la torpille dans le Ménon, du vaisseau de l’État gouverné par de faux pilotes dans la République et bien d’autres également célèbres. Quand Platon nous fait monter avec lui dans le monde des Idées ou nous ouvre des perspectives sur l’autre vie, c’est un monde d’une poésie sublime qu’il nous découvre, et nul poète n’a jamais composé de tableau si émouvant que la promenade des dieux et des âmes au séjour des Idées dans le Phèdre ou le ravissement de l’âme en présence du Beau absolu dans le Banquet.

Le vocabulaire de Platon est du plus pur attique. Denys d’Halicarnasse lui reproche d’employer des mots poétiques. Mais Denys d’Halicarnasse en juge d’après l’idéal oratoire qu’il s’est formé sur Démosthène. Les mots poétiques, qui seraient déplacés dans une harangue, sont parfaitement à leur place dans un dialogue philosophique, quand le sujet s’élève et qu’on se hausse jusqu’au monde intelligible. D’ailleurs Platon se sert d’ordinaire des mots les plus communs, même pour exposer les idées les plus neuves, et il n’y a guère que le mot idée auquel il ait attribué un sens nouveau. C’est une qualité de plus parmi toutes celles qui forment l’éminente supériorité de cet incomparable artiste.