Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/373

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— C’est bien cela en effet, dit-il.

— Mais à présent, repris-je, tu vois que nous n’avons trouvé nulle part aucune science de cette nature.

— Je le vois, dit-il.

— Mais alors, repris-je, voici peut-être un avantage que nous offrirait la sagesse telle que nous la concevons à présent, c’est-à-dire comme la connaissance de la science et de l’ignorance : c’est que celui qui la posséderait, quoi qu’il étudiât, l’apprendrait plus facilement et que tout lui paraîtrait plus clair parce qu’il l’étudierait toujours à la lumière de la science, et qu’il jugerait mieux les autres sur les choses qu’il aurait apprises lui-même, tandis que ceux qui en jugeraient sans la sagesse en porteraient des jugements moins fermes et moins fondés. Est-ce là, mon ami, le genre d’avantages que la sagesse nous procurera ? ou avons-nous d’elle une vue trop haute et lui cherchons-nous une valeur qu’elle n’a pas réellement ?

— Il se pourrait, dit-il.

XX. — Peut-être, repris-je ; mais peut-être aussi avons-nous fait une recherche totalement inutile. Ce qui me le fait croire, ce sont certaines conséquences qui m’apparaissent et qui seraient bien étranges, si la sagesse est ce que nous avons dit. Examinons-les, si tu veux. Supposons qu’il puisse exister une science de la science, et, ce que nous avons admis au début, que la sagesse consiste à savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas, ne l’en dépouillons pas, accordons-le-lui, et, après lui avoir accordé tout cela, examinons avec une attention redoublée si elle peut, dans ces conditions, nous servir à quelque chose. Nous disions tout à l’heure que la sagesse, telle que nous l’avons définie, serait un grand bien si elle dirigeait l’administration d’une maison ou d’un État ; or il me semble à présent, Critias, que nous avons eu tort d’en convenir.

— Comment donc ? dit-il.

— C’est que, répondis-je, nous avons trop facilement accordé que ce serait un grand bien pour l’humanité,