Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/407

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le chaud, l’amer le doux, l’aigu l’obtus, le vide le plein, le plein le vide, et ainsi du reste, parce que le contraire sert d’aliment au contraire et que le semblable ne saurait rien tirer du semblable. Et je puis t’assurer, mon ami, qu’il avait l’air d’un habile homme en disant cela, car il parlait à merveille.

Mais vous, dis-je, qu’en pensez-vous ?

— Qu’il a raison, dit Ménexène, au moins à première vue.

— Devons-nous admettre que le contraire est le plus grand ami du contraire ?

— Oui.

— Soit, dis-je ; mais n’est-ce pas étrange, Ménexène, et n’allons-nous pas être assaillis sur-le-champ par ces sages par excellence, ces amateurs de controverse, heureux de l’aubaine, qui vont nous demander si la haine n’est pas ce qu’il y a de plus contraire à l’amitié ? Que leur répondre ? N’est-on pas forcé de convenir qu’ils disent la vérité ?

— Nécessairement.

— Est-ce que, disent-ils, ce qui aime est ami de ce qui hait, et ce qui hait de ce qui aime ?

— Ni l’un ni l’autre, dit-il.

— Et le juste de l’injuste, le tempérant de l’intempérant, le bon du mauvais ?

— Il ne semble pas qu’il en puisse être ainsi.

— Et pourtant, repris-je, si c’est la dissemblance qui crée l’amitié entre deux êtres, il faut aussi que ces contraires soient amis.

— Il le faut.

— Ainsi donc ni le semblable n’est ami du semblable, ni le contraire du contraire.

— Il ne semble pas.

XIII. — Cherchons autre chose. Ne faut-il pas plutôt dire que si l’amitié n’est véritablement aucune des choses dont nous venons de parler, c’est ce qui n’est ni bon ni mauvais qui peut à ce titre devenir l’ami du bon.

— Que veux-tu dire ? me dit-il.

— Par Zeus, dis-je, je ne sais trop ; en vérité j’ai moi-