Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/414

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— Si fait.

— Le même raisonnement ne s’applique-t-il pas à l’ami ? Toutes les choses que nous appelons amies et que nous aimons en vue d’un autre objet d’amour, portent un nom qui n’est évidemment pas le leur ; ce qui est réellement ami semble bien être ce principe même auquel se rapportent toutes ces amitiés prétendues.

— Il pourrait bien en être ainsi, dit-il.

— Donc ce qui est vraiment ami ne l’est pas en vue d’une chose aimée ?

— C’est vrai.

XVII. — C’est donc une question réglée : ce n’est pas en vue d’une chose aimée que l’ami est ami ? C’est le bien qui est aimé ?

— C’est mon avis.

— N’est-ce pas à cause du mal que le bien est aimé ? La question peut se poser ainsi : si des trois genres dont nous parlions tout à l’heure, le bon, le mauvais et ce qui n’est ni bon ni mauvais, il n’en restait que deux, et que le troisième, le mauvais, disparût et n’attaquât plus ni le corps ni l’âme, ni les autres choses que nous disons n’être en soi ni bonnes ni mauvaises, est-ce qu’en ce cas le bien nous serait encore utile à quelque chose ? ne serait-il pas devenu sans usage ? Si, en effet, rien ne pouvait plus nous nuire, nous n’aurions plus besoin d’aucun secours. Nous verrions dès lors dans une entière évidence que c’est à cause du mal que nous recherchions et aimions le bien, parce qu’il est le remède du mal et que le mal est une maladie ; mais si la maladie n’existe plus, nous n’avons plus besoin de remède. Le bien est-il de telle nature que nous l’aimions à cause du mal, nous qui tenons le milieu entre le mal et le bien, et que par lui-même et relativement à lui-même il n’est d’aucune utilité ?

— Il me semble, dit-il, qu’il en est ainsi.

— Donc cet objet de notre amitié auquel nous rapportions tous les autres objets que nous disions aimés en vue d’autre chose, ne leur ressemble en rien. De ceux-ci