où la bienséance veut qu’on soit toujours paré et qu’on paraisse en public avec les plus beaux habits, où l’on est obligé en même temps d’étudier une foule de grands poètes et principalement Homère, le meilleur et le plus divin de tous, et de connaître à fond sa pensée, et non pas seulement ses vers, une telle profession est digne d’envie. On ne saurait en effet devenir rhapsode, si l’on ne comprend pas ce que veut dire le poète ; car il faut que le rhapsode interprète la pensée du poète à ses auditeurs, et il est impossible de le faire convenablement, si l’on ne comprend pas ce qu’il veut dire. Tout cela est vraiment enviable.
II. — Tu ne te trompes pas, Socrate ; en tout cas, pour moi, c’est cette partie de mon art qui m’a donné le plus de peine, et je ne pense pas qu’il y ait personne au monde qui parle d’Homère aussi bien que moi ; car ni Métrodore de Lampsaque, ni Stésimbrote de Thasos, ni Glaucon, ni aucun autre rhapsode qui ait jamais existé n’a su exprimer autant de belles pensées sur Homère que moi-même.
J’en suis bien aise, Ion ; car tu ne refuseras pas de me donner un échantillon de ton talent.
Ma foi, Socrate, il vaut la peine d’entendre comment je sais faire valoir Homère ; aussi m’est avis que ce serait justice si les Homérides m’offraient une couronne d’or.
Ma foi, je veux me donner un jour le loisir de t’écouter. Pour le moment, je ne te demanderai qu’une chose : ta virtuosité se borne-t-elle à Homère ou s’étend-elle à Hésiode et à Archiloque ?
Non, elle se borne à Homère, et cela me paraît suffisant.