Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/49

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ce n’est point par ouï-dire que nous le savons, mais pour l’avoir vu de nos propres yeux — tous ceux qui jusqu’à ce jour ont brigué la charge de stratège et l’ont obtenue sont encore à présent exilés de cette ville ou bien ont perdu la vie. Ceux d’entre eux qu’on croit avoir le mieux réussi, ont passé par une foule de dangers et de frayeurs, non seulement pendant leur commandement, mais encore après leur retour dans leur patrie, où ils n’ont cessé d’être assiégés par les sycophantes aussi violemment que par les ennemis, au point que certains d’entre eux voudraient n’avoir pas commandé plutôt que d’avoir été généraux. Si encore les dangers et les travaux amenaient quelque avantage, il y aurait quelque raison à s’y exposer ; mais c’est tout le contraire. Tu trouveras qu’il en est de même à l’égard des enfants. Bien des gens ont souhaité d’en avoir et, après en avoir obtenu, sont tombés dans les plus grands malheurs et les plus grands chagrins ; car les uns, ayant eu des enfants qui ont toujours été méchants, ont passé toute leur vie dans les chagrins, et les autres, en ayant eu de bons, mais ayant eu le malheur de les perdre, sont devenus aussi misérables que les premiers et préféreraient n’avoir pas eu d’enfants plutôt que d’en avoir eu. Cependant, malgré la parfaite clarté de ces exemples et de beaucoup d’autres du même genre, il est rare de trouver un homme capable de refuser ce qu’on lui donne ou qui, pouvant l’obtenir par prière, se retienne de prier. La plupart ne refuseraient point la tyrannie, si on la leur offrait, ni le commandement des armées, ni beaucoup d’autres choses dont la possession est plus nuisible qu’utile ; ils prieraient même pour les obtenir, s’ils ne les possédaient pas. Mais peu de temps après, il arrive souvent qu’ils changent de ton et rétractent les prières qu’ils ont faites d’abord. Aussi moi, je me demande si ce n’est pas véritablement à tort que « les hommes accusent les dieux en disant qu’ils sont les auteurs de leurs maux. C’est eux-mêmes qui par leur présomption » et, si l’on peut dire, par leurs folies « s’attirent des souffrances que leur destin ne comportait pas 4 ». En