Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/80

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d’après ce que nous avons admis d’un commun accord, tu en vois un seul où l’homme véridique se distingue du menteur et où ils ne soient pas le même homme. Tu peux chercher si c’est vrai dans n’importe quel genre de talent ou d’adresse, peu importe le nom qu’il te plaira de choisir, tu n’en trouveras pas, mon ami ; car il n’y en a pas ; autrement, nomme-le, toi.

HIPPIAS

XI. — Je n’en vois pas ainsi, sur-le-champ, Socrate.

SOCRATE

Et tu n’en verras jamais, j’en suis sûr. Si donc je dis vrai, rappelle-toi ce qui résulte de notre raisonnement, Hippias.

HIPPIAS

Je ne vois pas bien, Socrate, où tu veux en venir.

SOCRATE

C’est qu’en ce moment tu ne te sers pas peut-être de ton talent mnémotechnique ; tu crois évidemment qu’il n’y a pas lieu. Eh bien, c’est moi qui vais réveiller tes souvenirs. Tu te rappelles que tu disais d’Achille qu’il était véridique et d’Ulysse qu’il était menteur et rusé.

HIPPIAS

Oui.

SOCRATE

Or à présent il est prouvé, tu le sais, que le même homme est à la fois menteur et véridique, en sorte que, si Ulysse était menteur, il devient en même temps véridique, et que, si Achille était véridique, il est aussi menteur, et ces héros, loin d’être différents et contraires, sont semblables l’un à l’autre.

HIPPIAS

Ah ! Socrate, voilà les raisonnements que tu te plais toujours à tisser : tu détaches ce qu’il y a de plus difficile dans un sujet, tu t’y attaches, tu le traites par petits morceaux, au lieu de t’en prendre au sujet entier qu’on discute. Mais je vais encore une fois, si tu veux