Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/615

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Archélaüs. Un barbier bavard lui passant le linge autour du cou, lui demandait : « Sire, comment faut-il que je vous rase ? » — « Sans dire mot », répondit le prince.

Ce fut encore un barbier qui annonça le grand désastre éprouvé par les Athéniens en Sicile. Il l'avait appris le premier au Pirée, de la bouche d'un des esclaves qui s'étaient enfuis de la bataille. Aussitôt le voilà qui laisse sa boutique.

Il court droit à la ville,

« Craignant que cet honneur ne lui fût enlevé
par un autre qui en répandrait la nouvelle au milieu des habitants,
Et qu'il ne se trouvât trop tard être arrivé ».

Grande agitation, comme il est facile de le comprendre. Le peuple s'assemble en groupes, et l'on remonte à la source du bruit. Le barbier est amené, on l'interroge. Il ne savait pas même le nom de celui qui lui avait appris la nouvelle : c'était d'un personnage anonyme, d'un inconnu, qu'il déclara la tenir. Les assistants sont furieux. On s'écrie : « À la question, à la torture, le misérable ! Ce sont des contes de sa façon. Quel autre l'a entendu dire ? Sur la foi de qui parle-t-il ? » On dispose une roue, et notre homme y est étendu. Pendant ce temps étaient arrivés ceux qui apportaient la nouvelle du désastre après s'être sauvés du lieu même de l'action. Chacun se disperse pour aller pleurer chez soi ses pertes personnelles, et on laisse le malheureux barbier garrotté sur sa roue. Ce ne fut que tardivement qu'on vint le détacher, et vers le soir. Or savez-vous quel fut son premier soin ? De demander au bourreau, « si l'on avait parlé de Nicias, et si l'on savait comment il était mort. » Tant l'habitude fait du bavardage une passion incurable et incorrigible !

[14] Comme après avoir bu des remèdes amers et d'une odeur désagréable on éprouve de la répugnance même pour les vases qui les contenaient, de même les porteurs de mauvaises nouvelles inspirent à ceux à qui ils les communiquent