Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/618

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tribunaux, dans les séditions, dans les rivalités politiques. Personne pourtant ne lui en sait gré. C'est lui au contraire qui se montre reconnaissant si l'on veut bien l'écouter. Aussi les paroles adressées à celui qui répand son bien au hasard, sans discernement, avec une coupable prodigalité :

« Ce n'est point de ta part bonté, c'est maladie :
Tu te plais à donner... »

ces paroles s'appliquent également au bavard : « Ce n'est point par amitié, peut-on lui dire, que tu donnes ces renseignements, ce n'est point par bienveillance. Tu as une maladie : c'est d'aimer à parler et à dire des fadaises. »

[16] Si je m'exprime ainsi, qu'on ne croie pas que ce soit pour accuser seulement le bavardage. C'est aussi pour le guérir. On triomphe des passions par le bon sens et par l'exercice, mais le bon sens est la première des choses. Nous ne prenons l'habitude de fuir un vice et d'en débarrasser notre âme, que si ce vice nous est odieux. Or, les vices ne nous apparaissent comme tels que quand la raison nous a fait comprendre le dommage et la honte qui en sont la suite.

Ainsi, par exemple, nous comprenons, à l'heure qu'il est, que les bavards en voulant se faire aimer se rendent odieux, qu'en croyant être admirés ils ne sont que ridicules, qu'au lieu de retirer un profit quelconque ils dépensent en pure perte, enfin que, sans être utiles à ceux qu'ils aiment, ils sont inutiles à leurs ennemis et consomment leur propre perte. C'est donc apporter une première guérison, un premier remède au mal, que de réfléchir à la honte et à la douleur dont cette manie est la cause.

[17] Le second moyen à employer est celui qui se tire des contraires. Il faut écouter, se rappeler sans cesse, avoir constamment présents à l'esprit les éloges donnés à la discrétion. Il faut comprendre ce qu'il y a de grave, de saint et de religieux dans le silence. L'admiration, l'amour, la réputation de sagesse sont bien moins accordés à ces bavards dont